Quatuor pour trois danseurs et un musicien

Narcose est le reflet d’une société qui s’appauvrit en oxygène (c’est-à-dire l’autre, l’humain et ce qu’il irrigue et diffuse), d’une société qui s’organise pour remettre en question ses valeurs et créer des in/certitudes. Il reste alors la possibilité de lâcher, abandonner et aller vers un ailleurs sans maîtriser ce qu’on va accomplir ou atteindre. Les deux chorégraphes tunisiens questionnent une société qui entraîne des individus à prendre des chemins sans retour. Pour échapper à ces choix radicaux, Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou se concentrent sur l’individu, le corps. Ils recherchent cet état de corps en apnée, de profond silence intérieur, qui précède un état d’exaltation pouvant altérer la motricité. Les chorégraphes cherchent ce moment de bascule, ce va-et-vient entre le corps en état de dormance et le cerveau conscient qui produit des images, lorsque la frontière entre réalité et vérité se trouble.

Alors que dans leurs précédentes créations Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou tendaient un miroir à la société, ils concentrent ici leurs regards sur l’individu. Ils sont partis de l’expérience, de l’observation de la danse en apnée, de ce que cette apnée produit sur le corps, pour aller vers une forme de fiction. Ils convoquent des images claires mais saturées et entament avec elles une danse folle et lucide. On est au bord de l’asphyxie, obligés de réagir très rapidement, il y a urgence. En immersion dans ce coma exploratoire, les trois interprètes négocient avec l’espace et leurs trajectoires, interpellent et questionnent le public. Les corps se révèlent tour à tour, contraints, parcourus de spasmes, incohérents, révoltés, épuisés, apaisés... Ils nous plongent dans un rêve de profondeur, sur la musique jouée en direct de OGRA, laissant libre cours à notre interprétation.