Le texte nous indique que ça se passait avant. Nous sommes dans le temps d'après.
Ça a encore lieu, mais plus comme avant. C'est un texte crépusculaire.
Depuis ma première lecture de Music-hall il y a une vingtaine d'années, je sais, je sens que je m'attellerai à cet univers à la clarté diffuse, à cette histoire qui se construit dans la fantasmagorie de « la Vie d'Artistes ».
C'est aujourd'hui que la nécessité s'impose à moi et que l'évidence apparaît.
L'écriture de Jean-Luc Lagarce est une forme puissante, méticuleuse, avec une précision du sens et des sens, à la fois bouillonnante, brûlante, passionnée et contenue, retenue. Une langue pleine de nostalgie flamboyante et de rage de vivre.
Ce devra être beau et élégant. Cette beauté qu'il faut inventer pour combattre et supporter la violence et la tristesse de la fin des choses.
Jacques Michel sera « La Fille ». Il ne s'agira pas d'un travesti parodique et carnavalesque. Ce sera beau et troublant, parce que l'image du travestissement est émouvante, perturbante, intime, touchante, gênante et fascinante. Un miroir déformant, un labyrinthe où l'on va se perdre et qui donne le vertige.
Music-hall c'est une plongée intérieure qui ramène à la surface ce qui reste de vivant pour échapper à l'oubli, au refoulement, au silence, à la mort. C'est une sorte de naufrage avec toute la beauté et la grâce lumineuse que cela implique.
« La Fille » de Music-hall résiste à l'impuissance et à l'oubli et croit à un devenir en toute connaissance du pire, le tout avec une lascivité grave, désinvolte et gracieuse.
Et Joséphine Baker pour nous accompagner dans ce voyage vers l'effacement...
Ne me dis pas que tu m'adores, mais pense à moi de temps en temps...

Véronique Ros de la Grange