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Monsieur de Pourceaugnac

+ d'infos sur le texte de  Molière
mise en scène Vincent Tavernier

: Présentation

La production proposée par les Malins Plaisirs a été créée en février 2011. Elle constitue un nouveau jalon dans la série des comédies-ballets et ballets de cour montés par Vincent Tavernier et Marie-Geneviève Massé. François Lazarévitch, avec les Musiciens de Saint-Julien, apporte sa science de la musique de danse. Tous trois encadrent une véritable troupe, entrainée depuis plus de dix ans à la fréquentation du théâtre du XVII° siècle, et à une collaboration régulière entre comédiens, chanteurs et danseurs.


Pour ces artistes, la Comédie-ballet - à la fois multiforme et cohérente, sophistiquée et populaire, brillante et profonde - est d’abord l’expression d’une foi solaire dans la puissance transformatrice des arts.



La comédie-ballet, ou l’esthétique de l'enchantement.


Pour Molière, la musique, le chant, la danse ne sont pas des ornements destinés à enluminer sa prose, et qui pourraient être supprimés le cas échéant. Ils sont constitutifs de l’œuvre, et c’est de leur tressage qu’émane l’enchantement capable de volatiliser purement et simplement « tout ce qu’à nos vœux l’on oppose » - c’est-à-dire, ici, l’esprit de sérieux propre à Oronte, aux docteurs, à Pourceaugnac, qui s’oppose irréductiblement à l’esprit de joie des amoureux et de leurs complices. L’esprit de joie, c’est la pierre de touche de toute la société cultivée au XVII° siècle.


Restituer la comédie-ballet aujourd’hui, c’est donc chercher à en comprendre l’esthétique et la poésie, tout en trouvant le langage formel qui touchera instantanément le spectateur contemporain, quels qu’en soient l’âge et la culture. Pas de gestuelle baroque, donc, ni de travail sur le vieux français, mais un respect scrupuleux, accordée au texte et à la partition : rien n’y été rajouté, rien n’en a été retranché ou déplacé. Tout le travail de l’équipe artistique a reposé sur une confiance absolue dans le savoir-faire de Molière et Lully.


Là-dessus s’est greffée une attention permanente à la langue, à son dynamisme, à sa saveur ; à l’harmonie du jeu physique entre comédiens, chanteurs et danseurs ; enfin à tout l’aspect visuel du spectacle.


Décor, costumes : la puissance des agréments


En 1669, les commentateurs écrivent que, pour la création de l’œuvre à Chambord, « Monsieur Vigarani (le décorateur) a construit un petit théâtre tout à fait galant ». Ce sont à la fois des aquarelles de l’époque (extraites du « grand carrousel de 1666 ») et les bois gravés de Raoul Dufy (reprenant toute une tradition de peinture et de gravure françaises pour lui donner une modernité épanouie et sereine) qui ont inspiré lumière, décors et costumes.


Mais, à l’image de toute l’œuvre, le dispositif scénique est également un piège. Comme le dit Eraste dès la première scène parlée, « nous avons dressé quantité de machines. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer (…) et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise ».


Le charme – conforme à l’esprit du ballet de cour – qui baigne la scène au départ de l’œuvre (cadre de scène citant les théâtres de verdure versaillais, décor de ville en trompe-l’œil) – cède progressivement la place à une machinerie diabolique. Les perspectives des maisons sont fausses ; posées sur d’invisibles roulettes, elles changent continuellement de place ; d’invraisemblables personnages en surgissent : cet univers sans cesse mobile et changeant est bien fait pour persuader Pourceaugnac qu’il est entré dans un Paris en pleine folie.



Pourceaugnac et l’esprit de joie


Quant au moteur intime de l’œuvre, il faut se souvenir que cette comédie-ballet a été créée à l’occasion des chasses royales. Elle vibre encore toute entière de ce grand élan de fêtes, de grand air… et de vendanges ! C’est une vraie force, une vague – plus bachique qu’apollinienne - qui se lève, se gonfle, et emporte dans son flot le pitoyable Pourceaugnac.


S’il est un des personnages les plus bouffons de Molière, il en est aussi l’un des plus sots, et des plus antipathiques. On a voulu souvent faire du gentilhomme limousin une brave « rondeur » victime de la roublardise cruelle des Parisiens; et l’on en viendrait presque à s’apitoyer sur la pauvre ganache emportée dans un cauchemar quasi kafkaïen : ce serait un complet contresens.


Pour Molière, l’incapacité de Pourceaugnac au plaisir, sa complète absence de fantaisie, son inébranlable sérieux sont à l’origine de tous ses défauts – égoïsme, prétention, arrogance, crédulité. Parce qu’il a eu le tort impardonnable de refuser de danser et de chanter (divertissement du 1° acte), il devient tout simplement incompatible avec l’enchantement de la comédie-ballet et ne mérite que d’y insuffler, à son corps défendant (c’est une litote !), un énorme et salvateur éclat de rire.


Tout ce qui pouvait représenter « l’esprit de sérieux » ayant été exclu, rejeté et anéanti, le final peut enfin déferler, à la gloire du plaisir – cette complexe notion que le XVII° siècle a porté à l’extrême, et qui est la somme de tous les plaisirs, ceux de l’œil, de l’oreille, du goût, du cœur et de l’esprit.

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