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mise en scène Alain Béhar

: Extrait d'interview avec Alain Béhar

Mô, c’est une petite question simple : qu’est ce que la pensée ? Est-ce que le fait de savoir (peut-être, un jour) comment je pense va changer ma façon de penser ? Quel type de conscience peut bien se créer, au delà d’un certain niveau de complexité ?


Il y aura sans doute des machines dans ce spectacle, parce que c’est dans mon sujet : le cerveau, d’une certaine façon, a à voir avec l’ordinateur et inversement. Nous sommes environnés de technologie, de façon de plus en plus conséquente, et évidemment, ça déplace des choses : dans nos rapports aux autres et à soi-même, dans notre rapport au monde. On a des flux qui nous traversent et nous relient dans le monde entier, à la seconde même. Cela m’intéresse, me questionne, sur le devenir de l’idée "d’être" et des corps dans ce type d’environnement. Ça doit changer aussi quelque chose des corps, le fait par exemple que les gens puissent avoir des avatars dans des mondes virtuels, qu’ils puissent construire et avoir des représentations d’eux-mêmes, qu’ils vivent des histoires dans des fictions, dans des jeux de plus en plus "réalistes". Les ordinateurs créent d’autres connectiques, un champ social nouveau s’ouvre aussi et on avance avec.


Si en rentrant chez soi, on peut être en contact avec 14 amis aux quatre coins de la planète, par le biais de l’Internet, cela déplace aussi la sensation de socialité.


Alors, c’est un peu ça Mô, il est à la fois là et à la fois ailleurs. C’est comme si on était à l’intérieur de quelqu’un, dans la tête d’un homme, que cet homme pensait à plein de trucs en même temps, et que tous ces trucs parlaient en même temps. Une fête où il est question qu’il aille, une décision à prendre, un livre qu’il vient de lire, une musique entendue, toutes ces choses qui traînent… Il est tranquillement indécis, il flotte. Il y a une partie de lui qui fait et une partie de lui qui ne fait pas, mais contrairement aux mots que l’on doit dire, à l’expression où l’on doit trancher, dans la pensée, on n’est pas juste blanc ou noir, oui ou non, ceci ou cela, c’est un peu plus compliqué. Alors dans ce lieu qui nous serait préservé - et l’art pourrait être un petit endroit pour ça – dans cet endroit, on peut être franchement en contradiction avec soi-même. Mô parle d’une disproportion, pas de contradiction.


Mô, ce serait comme s’il y avait une possibilité de rendre sensible le son à l’intérieur de la tête de quelqu’un. Une sorte de poème en soi. Mô a toutes ces idées qui lui passent par la tête – agencées, formalisées – dans une construction scénique, esthétique, qui donne du sens.
Il ne s’agit pas forcément pour le spectateur de reconnaître toutes les couches. On prend des choses au passage, on en laisse, on en reprend. Ça sonne comme un chant, comme quelque chose qui est musical, sensible, doux, drôle…. Et qui n’est pas lié à une compréhension globale, mais à la sensation que quelque chose file dans du sens sous-jacent en permanence, si possible beau à l’oreille.
On serait dans la tête de Mô et ce serait agréable. Ce ne serait pas un chaos oppressant, mais quelque chose pour s’abandonner. De la pensée qui circule, du sens à l’état moblle, quelque chose de très doux. Ça me plairait que ça crée une sorte de familiarité sensible, une rêverie.


Je cherche à produire un spectacle qui prendrait en compte l’idée de cette proximité avec la machine, avec l’idée de machine. Dans mon écriture, j’ai besoin de chercher, d’inventer des formes. J’écris des cadences, des rythmes, des règles à l’intérieur de mon texte… une partition musicale, avec des moments qui se répondent, des règles d’écriture. Une sorte d’objet qui apparaît petit à petit avec un certain nombre de règles que je me donne ou des choses qui sont dans son sujet. Il s’augmente, il se réduit… C’est une matière. Dans le spectacle, la présence autoritaire des machines disparaît au profit d’une présence douce, d’un partenariat entre les voix, les voix enregistrées, les voix filmées, du texte projeté… Tout cela sans visée théorique : à la fin, c’est toujours du théâtre, c’est juste une intuition. Ce n’est pas un spectacle multimédia, c’est du théâtre qui passe par les acteurs, plusieurs corps qui seraient chacun Mô, qui seraient chacun le même. Et qui nous renverrait à l’idée simple qu’on serait avant de se dire comme ci ou comme ça un peu tous les mêmes. Tout au moins qu’il y a du nombre en Soi, de l’autre et du "même", forcément.

Alain Béhar

avril 2009

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