Thomas Bernhard a écrit Minetti pour un des plus grands acteurs du siècle dernier, Bernhard Minetti. On ne peut envisager de mettre en scène cette pièce majeure du répertoire allemand qu'à travers un comédien porteur d'une dimension exceptionnelle.

J'ai rencontré Serge Merlin à mon arrivée en France. J'étais assistant de Matthias Langhoff, et lui, il jouait le rôle du Roi Lear, "l'Himalaya des pièces de théâtre" comme il disait à ce moment-là. J'ai pu assister à l'exigence et à l'excellence de son travail. Puis nous nous sommes vus régulièrement, et ces rencontres enrichissaient jour après jour le désir de travailler avec lui. Et après qu'il eut joué Le Dépeupleur de Samuel Beckett à l'Odéon, nous avons parlé de textes de théâtre, de Thomas Bernhard, de Minetti...

Je savais qu'il avait envie de jouer la seule pièce de Thomas Bernhard qu'il n'avait pas encore dans son répertoire, et bien sûr je pensais qu'en France seul Serge Merlin pourrait magistralement interpréter Minetti, avec intelligence, humour et finesse. Quand il a accepté ma proposition de jouer à l'Athénée en septembre 2009, je pensais aux relations qui se créent dans le temps : entre Shakespeare et Thomas Bernhard, entre le Roi Lear et Minetti. Je pensais surtout au plaisir de travailler avec peut-être le plus grand comédien français, avec Serge Merlin - "ein Schauspielkünstler", persuadé qu’un auteur de la trempe de Bernhard n’aurait pas hésité à écrire, à son tour, une pièce qui porterait son nom. Mais ce rapprochement est trop facile et le respect des originalités sera plus que jamais nécessaire.

C’est là le seul moyen de rendre hommage à la force dramatique de Serge Merlin, à la folie de Minetti et à la fatalité dévastatrice de Thomas Bernhard.

Gerold Schumann

avril 2008