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Michelle, doit-on t'en vouloir d'avoir fait un selfie à Auschwitz ?

+ d'infos sur le texte de Sylvain Levey
mise en scène Marie Gaultier

: Présentation

Pour fréquenter régulièrement les lycéens dans le cadre des interventions au sein de l’option théâtre, la relation qu’entretiennent les lycéens à leur portable m’interpelle depuis un moment déjà. A chaque sonnerie, ce sont tous les lycéens qui dégainent leurs portables de leurs poches comme des cowboys dégainent leur colt. Il est fréquent de voir des rassemblements de jeunes, sans aucune discussion, les yeux tous rivés à leur mobile, le corps recroquevillé sur leur engin, en position de fermeture vis-à-vis du reste du monde réel... Pour vivre avec une adolescente, je vois au quotidien la transformation sociale que l’usage du portable a généré. Les adultes ne sont pas en reste sur leur relation permanente avec le téléphone. C’est comme une greffe. La seule différence entre les jeunes et les vieux, c’est que les jeunes sont nés avec, ils se sont construits avec. Les questions pour tous arrivent en masse : notre rapport aux autres, notre relation à nous-même, notre façon de parler et donc de penser sont-ils en train de changer ? La distance n’existe plus, le temps est aboli, notre image exposée, notre ego sublimé, notre vie filtrée... Nous reconnaissons tous que nous ne pourrions plus nous passer du téléphone portable. C’est un outil formidable qui aide à la gestion quotidienne de nos vies, et de notre travail. Mais comme chaque progrès, quel usage va-t'on en faire ? C’est un peu la même question qui s’est posée avec l’avènement de la télévision. Notre quotidien est envahi par les écrans, nous en sommes devenus dépendants au point qu’il existe des stages pour cesser ces addictions que nous nous sommes créées.


C’est dans cet état d’esprit, avec ces interrogations en tête, que le texte de Sylvain Levey m’est apparue comme une évidence. C’est en effet une œuvre qui nous interroge sans donner de réponse. Son écriture me renvoie à tous mes questionnements : notre façon de communiquer, notre rapport à notre image au travers des selfies, notre relation aux autres via les réseaux sociaux....


L’enjeu est de créer un spectacle et de pouvoir toucher sensiblement un public, sur le sujet de l’incommunicabilité qui règne sur notre façon de vivre. Il y a assez peu de dialogue dans le texte de Sylvain Levey ; les personnages semblent s’adresser au public, comme ils s’adressent à leur téléphone. Le public devient donc le réceptacle de la parole, l’intermédiaire, le média entre les personnages du spectacle. Le public a donc un rôle actif, tel un élément essentiel dans ce processus créatif. Il devient le transfert par qui passe la parole. Nous avons donc affaire à une parole directe au public, pour un message indirect, puisque les spectateurs deviennent les témoins nécessaires des échanges. Chaque personnage parle au public comme s’il se décrivait sur un réseau. Cette façon de communiquer, par les réseaux, créée pour les usagers, un sentiment d’ubiquité. Les espaces sont abolis, les lieux sont indifférenciés, la parole et les images circulent en temps réel dans le monde entier. Ce type de communication abolit les frontières, et le temps. C’est donc une sensation de toucher les puissances divines qui émane de cet usage : les réseaux et internet pourraient presque nous faire croire à la détention de pouvoirs d’omniprésence, et d’omniscience. En quoi les nouveaux langages utilisés pour communiquer en permanence transforment-ils notre manière d’écrire, de parler et de penser ?


Si je montre ce que je vis au moment où je le vis, quelle transformation cela opère-t-il sur ma façon d’exister, sur ma façon de me percevoir, sur ma façon d’être au sein d’un groupe ou d’une société ?


Ce sont toutes ces questions qui me traversent pour monter ce spectacle. Et ce que j’aime dans l’écriture de Sylvain Levey, c’est qu’il n’y a que des questions : pas de réponse, pas de morale, pas de pensée manichéenne. Juste une volonté de s’interroger de façon ludique sur notre monde contemporain.


Comme l’écrivait Guy Debord dans La société du spectacle, « le spectacle réunit le séparé, mais il le réunit en tant que séparé ».


Théâtre Tout public, à partir de 12 ans Durée : 1h10

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