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Meurtres hors champ

+ d'infos sur le texte de Eugène Durif
mise en scène Jean-Michel Rabeux

: La pièce

C'est comme une tragédie. Avec ses héros : Oreste, Pylade, un Coryphée, une Cassandre déjantée. Avec le projet du crime, le retour de guerre dans le pays natal, avec l'inceste qui traîne, et la vengeance.


Et puis avec la langue de la tragédie : poétique et meurtrière. La langue seule tue, les meurtres sont hors champ.


Mais DANS ce tragique, (comme on dit DANS sa chair) se glisse, ou se vautre, comme on veut, un bienheureux grotesque, clownesque, la saillie dérisoire. La gargouille quoi, la chimère.
Le signe un peu criard que le rire et les larmes sont un même effroi, nommé au théâtre plaisir.


Comme en tragédie notre plateau ne peut pas être une imitation (cinéma télé) de la "réalité d'aujourd'hui".
Si nous sommes quelque part c'est dans un théâtre, c'est à dire un cerveau, le vôtre, le mien. Le réel y parvient de loin, non pas étouffé, parce qu'il est très cru, très tonitruant, gueulard, non pas tamisé, parce qu'il est augmenté, mais trié, éclaté par nos rêves communs, (nommés au théâtre les mythes).


Quant à moi le théâtre pourrait se faire, toujours, avec des acteurs vêtus de robes plutôt rouges, qui parlent, l'âme en sang, si bien que leurs bouches sont immenses.
Et rouges.
Ici donc, comme toujours, les corps président.


Vêtus de tragédie, de clownerie, vêtus de théâtre : robes rouges probablement XVIIIème pour tous, qui ne travestissent pas leurs sexes mais leurs crimes, qui les habillent de dérisoire.


La robe rouge n'est-elle pas une distanciation comme une autre ? Plus sensuelle peut-être, mais politiquement efficace aussi :
Mettons les Pinochet en robe rouge décolletée aux épaules, tout de suite ça débarrasse.
Soyons somptueusement un cauchemar de Le Pen où tous les vivants seraient des Drag Queen.


Tout ce qui parle est en robe rouge, et les lèvres sont peintes non seulement comme sur des clowns mais comme pour des "athlètes des mots" qui auraient utilisé leurs bouches jusqu'au sang.


Au lointain,
suspendue entre ciel et terre,
une affiche passée par le temps, criblée de balles, un de ces grands visages de nos rues commerçantes qui, prétendant nous vendre, nous achète, et pas cher.
Quelqu'un lui a balafré la bouche de rouge si bien que le sourire aguicheur c'est une plaie.


Et puis la pluie, fine, tenace.
C'est l'hiver, la poisse des banlieues est humide jusqu'aux os.
Tiens ! Dessous c'est rouge.
Comme nos robes, le sang et les Enfers.
Les robes traînent une boue noirâtre, révèlent le rouge caché et brillant comme un derme.


Le corps préside, au sol, au ciel, aux mots. Partout l'acteur.

Jean-Michel Rabeux

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