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Maladie de la jeunesse

mise en scène Philippe Baronnet

: Présentation

Une pension dʼétudiants. La chambre de Marie. Quatre jeunes femmes et trois hommes, un peu plus âgés. La plupart terminent leurs études de médecine. Marie aime Petrell qui aime Irène ; Irène trahit Marie en cédant à Petrell ; Désirée sʼest lassée de Freder et tente de récupérer Marie ; Alt veut peut-être séduire Marie ; Freder joue avec la bonne, Lucy, en attendant que Marie tombe dans ses bras. Mais pas de galanteries ni de marivaudage, il est question ici de pulsions et de machinations qui bousculent les personnages les uns vers les autres. Pour se sentir un peu vivre dans une époque moribonde et un pays en crise, on se persuade dʼaimer, on courtise, on manipule, on fait des expériences...
Ballottée dans le grand vide moral, économique et spirituel, la jeunesse dépeinte par Bruckner dans cette pièce – la première de lʼauteur, à peine plus âgé que ses personnages au début des années vingt – semble contaminée par la maladie qui ronge le pays tout entier. Les anciennes valeurs sont balayées et dans un désarroi total, un petit groupe dʼétudiants sʼessaye à la philosophie nihiliste, aux drogues du jour, et se questionne sur le sens de la vie. Or, trouver sa place dans le monde pour Bruckner, cʼest « sʼembourgeoiser ou se tuer » : il y a dʼun côté, ceux qui veulent continuer à croire en un futur possible – les idéalistes – ou qui sont prêts à tout pour se maintenir à la surface – les cyniques –, et de lʼautre, les êtres trop faibles, manipulés ou sacrifiés – les victimes –. Dans ce texte violent, Bruckner diagnostique une maladie qui pourrait être celle de notre jeunesse dans lʼEurope en crise actuelle, et livre aussi le portrait de lʼadolescence éternelle, mélancolique et tourmentée qui se frotte à toutes sortes de limites.


Depuis De la salive comme oxygène de Pauline Sales, la question du passage à lʼâge adulte sʼimpose comme lʼun des fils rouges de mon travail dʼacteur et de metteur en scène. Invité au dernier festival ADO, nous montons avec lʼéquipe du Préau de Vire, au terme de neuf semaines de résidence en collège et lycée consacrées à la déclaration dʼamour, Le Monstre du couloir, pièce de David Greig dont lʼhéroïne est une adolescente qui doit faire face à ses angoisses et au regard des autres pour affronter le monde.
Aujourdʼhui, je suis séduit par le théâtre de Ferdinand Bruckner parce quʼil brosse le tableau noir dʼun groupe dʼétudiants, dans le monde de lʼentre-deux-guerres laissé en ruines par les générations précédentes. Cette jeunesse se débat, elle cherche lʼamour, elle court après le sens et la vie, par tous les moyens. Presque un siècle plus tard, ce questionnement et cette tentative pour en découdre continuent de nous interpeler et de parler de notre époque – et sans doute des générations futures. Comme chez le dramaturge Lars Norén, les personnages de Maladie de la jeunesse sont des athlètes de la pensée, prompts à la joute verbale. Même si elle est souvent le symptôme dʼun cynisme désespéré, leur conversation est tendue par une vivacité dʼesprit réjouissante. Ces personnages complexes, aux esprits froids et brillants, sont souvent très touchants par leur naïveté et leur manque dʼexpérience – le regard porté sur eux par lʼauteur nʼest dʼailleurs pas dénué dʼhumour, ni de tendresse. En un instant, ils passent dʼune maîtrise absolue du langage à lʼexpression la plus maladroite dʼune pulsion physique. Cette inadéquation donne souvent lieu à des situations troublantes, voire ridicules ou pathétiques.
Le traitement de la violence sur le plateau est lʼun des enjeux les plus passionnants de la mise en scène. Il sʼagit toujours dʼun savant dosage entre ce que lʼon montre et ce que lʼon cache, pour parvenir à évoquer clairement sans dénoncer les artifices. Maladie de la jeunesse offre aux acteurs un champ dʼactions très jouissif à explorer : on se cogne, on sʼattrape brutalement, on sʼattache par les cheveux... Mais la pièce nous responsabilise aussi terriblement sur le sens et lʼimpact émotionnel que nous voulons créer. Comment rester à la croisée des chemins entre une vision esthétisante, voire divertissante de la violence – telle quʼon nous la montre parfois au cinéma – et une vision clinique, glaciale, au plus proche de la réalité, choquante et insoutenable ? Sur scène, nous sommes sans cesse à la recherche dʼune vérité, de la température exacte des sentiments, de la particularité dʼun mouvement et dʼun geste.
Frapper juste et non pas fort ! Capter aussi lʼhumour et la légèreté ! Car tout nʼest pas si dramatique...

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