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Mais quelle comédie !

Marina Hands ( Mise en scène ) , Serge Bagdassarian ( Mise en scène ) , Vincent Leterme ( Direction musicale ) , Benoît Urbain ( Direction musicale )


: Entretien avec Marina Hands et Serge Bagdassarian

Propos recueillis par Laurent Muhleisen

Laurent Muhleisen. Pouvez-vous évoquer les circonstances dans lesquelles est née l’idée de monter Mais quelle Comédie ! ?


Serge Bagdassarian. C’est Éric Ruf qui a eu l’idée de nous demander un travail musical dans le prolongement de ce qui s’était passé avec La Comédie continue !, la programmation en ligne que le Français a mise en place pendant le premier confinement. Ce pro- gramme explorait le répertoire de nos captations d’archives de spectacles et mettait en perspective le travail et la pérennité de notre troupe ; il a été l’occasion pour chaque acteur de parler de son travail, de sa formation, de son parcours, de sa façon d’aborder les répétitions, les représentations ; autant de sujets dont nous ne parlons presque jamais entre nous, sans doute par pudeur.
Cela a donc été très révélateur non seulement de nos différences mais aussi du lien qui nous unit à cette Maison, de tout ce que nous lui consacrons, de la joie que nous avons à en faire partie. Nous avons alors eu, avec Marina, l’idée d’un spectacle en abyme, d’un spectacle de la troupe de la Comédie-Française qui parle de la Comédie-Française, de la Troupe dans la Troupe. Et nous avons choisi de le faire par le prisme de la comédie musicale.


Marina Hands. Éric nous avait demandé un spectacle non seule- ment musical et festif, mais aussi « Covid-compatible », pour remplacer, éventuellement, des productions que nous ne pourrions pas présenter en ces temps de contraintes sanitaires.
Pour ma part, je rêvais depuis longtemps de travailler sur un spectacle musical : Éric n’en savait rien, mais il a eu une sorte d’instinct de créer cette alchimie entre Serge et moi, qui ne nous connaissions pas. Notre entente a été immédiate.


L. M. Mais quelle Comédie ! est un hommage à la Troupe, à la comédie musicale, mais se conçoit aussi comme un cadeau au public. Que souhaite raconter ce spectacle du lien de la Troupe avec le public ?


S. B. Avec le confinement, nous avons été tellement en manque de représentations, tellement frustrés de ne pas retrouver le public tous les soirs, de ne pas éprouver ce lien qui nous empêche de nous dessécher dans notre art et notre imaginaire ! quand on joue, tout est fait, comme dans un rendez- vous amoureux, pour retrouver le public. En mars 2020, brutalement, nous avons été privés de ce lien, la seule raison pour laquelle nous avons répété ce spectacle pendant des mois, c’est parce qu’à un moment donné, nous serions face au public, uni à lui.
Ce moment de retrouvailles est sacré, il définit le sens de toute notre vie artistique. Et il est enfin arrivé.


M. H. Nous souhaitons également montrer ce qui fait la spécificité d’une Troupe : permettre un rendez- vous régulier, à l’année, avec le public. Les coups de projecteur qui ont été mis sur les acteurs du Français, depuis mars 2020 avec notre programmation en ligne, nous ont donné envie, dans ce spectacle, de mettre également l’accent sur des personnalités de la Troupe ; cette comédie musicale permet aux spectateurs d’être face à la Troupe, mais aussi face aux acteurs un par un.


L. M. Pourquoi avoir choisi la forme de la comédie musicale, et pas du tour de chant, comme dans certains cabarets présentés par le passé ?


S. B. Dans un tour de chant, les chansons, d’un genre ou d’un auteur en particulier, se succèdent. Avec le cabaret L’Interlope, que j’ai conçu en 2016, nous étions déjà dans une forme plus narrative, une dramaturgie davantage liée à un récit, avec des personnages.
Avec Mais quelle Comédie !, nous franchissons une étape supplémentaire : il s’agit d’une écriture où il y a de la danse, du chant, du texte, du théâtre, de la mise en scène. Les personnages, ce sont les acteurs de la Troupe, qui se racontent eux-mêmes. Et l’histoire est celle... d’une troupe à l’arrêt, à cause d’une crise sanitaire, en attente de la reprise des spectacles.


M. H. C’est une création théâtrale et musicale. La comédie musicale est le genre qui se rapproche le plus du théâtre ; il nous permet d’être toujours présents sur le plateau, tous ensemble, même quand il y a des solos. Contrairement à un tour de chant, ici, les acteurs n’existent pas seulement quand ils chantent ou dansent. Il y a des interactions en permanence.


L. M. À ce propos : comment les acteurs de la Troupe se sont-ils investis dans ce projet ? Comment se sont-ils préparés, comment ont-ils travaillé, et quel rôle avez-vous joué, tous les deux ?


S. B. Il y a, chez beaucoup d’acteurs, un amour immodéré de la grande comédie musicale américaine, qui représente un peu l’idée de l’artiste total, sachant chanter, danser, jouer, faire rire, émouvoir...
Le défi à relever pour la Troupe est énorme, et tous s’y sont investis avec beaucoup d’ardeur. Chacun est venu en apportant beaucoup de matière, liée à sa propre histoire, parfois intime, et à son art. Notre travail, à Marina et à moi-même, a été de la mettre en forme, d’écrire le spectacle, de faire des choix de musiques, d’univers qui nous plaisaient et de créer une narration reliant toutes ces histoires, en tenant compte des thèmes que nous avions envie d’explorer. M.H. Le rapport au public, le rapport au plateau, le rapport à ce métier, il s’agissait pour nous de rendre compte de cet éclectisme, de cette diversité. Plus que jamais, nous sommes fidèles à la devise de la Maison simul et singulis (être ensemble et être soi-même).


L. M. Au cours de ce travail, les acteurs ont-ils découverts des choses sur eux-mêmes, sur les autres ?


M. H. J’ai surtout noté qu’ils ont d’abord eu besoin de faire confiance au processus de travail avant d’accepter de se livrer. Il faut du temps avant d’être en mesure de raconter sa vie sur un plateau ! Les diverses émissions de la Web TV, ont progressivement levé cette réticence, et montré la gratitude du public face à cette forme de complicité. Il a fallu que les acteurs comprennent qu’ils avaient « le droit » de parler d’eux sur un plateau de la Comédie-Française, que cela pouvait être une bonne chose. Je trouve cela très émouvant.


L. M. Que pouvez-vous nous dire de l’économie de ce spectacle ?


S. B. Nous tenons compte du fait que, dans une comédie musicale, les choses peuvent être drôles, harmonieuses, mais aussi, parfois, très noires ; nous traversons des humeurs différentes. Nous chantons en anglais et en français. Le spectacle parlera d’ici et de maintenant, puisqu’il parle de nous en cette période troublée ; nos incertitudes, mais aussi nos solidarités, la joie que procure le fait d’être réunis, de chanter, de danser, de jouer ensemble devant un public ; nous sommes constamment en train de nous écouter les uns les autres, de construire des chœurs, des harmonies.


M. H. Nous avons eu des contraintes financières, liées à la crise que nous traversons. Aussi, tous les costumes ont été travaillés à partir des stocks de la Maison, il en va de même pour les accessoires. Nous avons fouillé dans ce que nous avions, fait confiance aux vertus de notre artisanat, et aussi eu la chance de travailler avec notre académicienne-scénographe surdouée Chloé Bellemère.


S. B. Il faut à cet endroit rendre hommage à l’ensemble des personnes et des personnels qui ont contribué à ce spectacle, aux chefs de postes, à la régie des costumes, aux accessoiristes, aux techniciens du son, de la lumière, du plateau... Tout le monde a répondu présent avec générosité, sous la houlette de grands serviteurs de cette maison que sont par exemple Christian Lacroix qui a créé les silhouettes à partir des costumes du stock, Bertrand Couderc qui signe les lumières, Benoît Urbain et Vincent Leterme – qui signent les arrangements, dirigent les musiciens, font répéter les parties chantées et jouent eux- mêmes sur scène –, Glysleïn Lefever, qui signe les chorégraphies...
Tous ont accepté de sortir de chez eux en période de confinement, de venir travailler, en acceptant des conditions particulières, liées à la crise. qu’ils soient grandement remerciés.


  • Propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française
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