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Madame de Sade

mise en scène Jacques Vincey

: Postface de l’auteur

C’est en lisant La Vie du marquis de Sade de Tatsuhiko Shibusawa que pour moi, en tant qu’écrivain, se posa l’énigme de comprendre comment la marquise de Sade, qui avait montré tant de fidélité à son mari pendant ses longs emprisonnements, ait pu l’abandonner juste au moment où il retrouvait enfin la liberté. Telle énigme a servi de point de départ à ma pièce, en laquelle on peut voir une tentative de fournir au problème une solution logique. J’ai eu l’impression que quelque chose de fort vrai en même temps que de fort peu intelligible paraissait derrière l’énigme, et j’ai voulu considérer Sade dans ce système de références.


La pièce pourrait être intitulée : « Sade vu à travers le regard des femmes ». J’ai donc été obligé de donner le rôle central à Mme de Sade et de ne l’entourer que de rôles féminins, pour renforcer le thème. Mme de Sade incarne la fidélité conjugale ; sa mère, Mme de Montreuil, l’ordre social et la moralité ; Mme de Simiane, la religion ; Mme de Saint-Fond, l’appétit charnel ; Anne, sœur de Mme de Sade, la candeur féminine et le manque de principe ; la servante, Charlotte, les façons populaires. J’ai dû mêler ces caractères à celui de Mme de Sade et les faire tourner autour du sien, à la manière de l’évolution et de la révolution des planètes ; je me suis totalement dispensé des communs et triviaux effets de scène, pour ne mener l’action que par le seul dialogue ; j’ai usé de chocs de concepts pour donner forme au drame et j’ai fait parader les sentiments en habits de raisons. Les beaux costumes de style rococo, me suis-je dit, suffiraient bien aux exigences du spectacle. Et tout devrait concourir à faire autour de Mme de Sade un ensemble ordonné avec une précision mathématique.


Ainsi j’ai commencé à écrire ma pièce, sans toutefois être bien sûr de suivre toujours mon projet initial. Ce dont je suis certain, pourtant, est que la pièce pousse à leur conclusion logique des idées que j’avais depuis longtemps à propos du théâtre.


Il est peut-être singulier qu’un Japonais ait écrit une pièce de théâtre sur un argument français. La raison en est que je souhaitais employer à rebours les talents que les comédiens de chez nous ont acquis en représentant des pièces traduites de langues étrangères.


En plusieurs endroits, j’ai été délibérément infidèle à la réalité des faits vécus par les personnages historiques de la pièce, mais ces infidélités m’ont été imposées par les nécessités du théâtre. On me les pardonnera sans doute, d’autant plus que je ne prétends pas avoir écrit une pièce historique. Trois de mes personnages, Mme de Sade, Mme de Montreuil et Anne, la sœur de Mme de Sade,appartiennent à l’histoire ; les trois autres sont imaginaires.

Yukio Mishima

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