theatre-contemporain.net artcena.fr

Les Contes de Shakespeare

+ d'infos sur le texte de Charles Lamb , Mary Lamb traduit par Yvette Joye
mise en scène Anne-Laure Liégeois

: Note d'intention

Un jour, comme ça, au détour d’un rayonnage, tombée sur «Les contes de Shakespeare». Un gouffre sous les pieds. Culture générale, pire, théâtrale prise en défaut. Non seulement ce type a écrit des pièces et encore des sonnets, ça on le savait, mais en plus des contes ! Effeuillage précipité de l’ouvrage en couleurs : «Othello», «Macbeth», «Le songe», «Comme il vous plaira»… tous ! Comédies, tragédies qu’on connaît déjà, mais ici pas d’alignement en répliques sur la page. Retour rapide vers la page de garde puisque la couverture n’affiche et n’apprend rien. Là : «par Charles et Marie Lamb». Dans la tête tout de suite : «par Charles et Marie Agneau» : névrose de traducteur… Jamais entendu parler. Alors prendre un conte au hasard, un connu, appris, aimé «Sous le règne de Duncan 1er le Débonnaire, roi d’Ecosse, vivait un thane, ou comte, appelé Macbeth. Ce Macbeth était proche parent du roi ; il était tenu en grande estime à la cour, pour son courage au combat…» La même histoire. Presque les mêmes mots souvent organisés autrement. Une autre forme de poésie. Appel du «Il était une fois». Une page, puis deux, puis trois. Une histoire contée…
Celle d’Hamlet maintenant. Connue, redécouverte, actions ordonnées. Et un vague parfum de bouquet de violettes, une langue de dentelle grise. Langue du XIXème siècle, lourde, précise, construite, appliquée, au bout du souffle, qui amène avec malice les images. Sade et Schiller, et Madame Récamier allongée sur son sofa. Les Lamb disent tout Shakespeare mais le retiennent aussi, retiennent le dangereux goût du suicide de l’adolescent Hamlet (le suicide de Roméo et Juliette aussi) retiennent l’encombrant désir de chair de Gertrude, la mère. Le retenant, ils le magnifient. Ils disent avec pudeur souvent, et une certaine impudeur aussi parfois quand les mots cherchent à enseigner, à apprendre clairement comment vivre sa vie. Plaisir d’entendre autrement des textes aimés, d’écouter avancer une histoire, de laisser se créer des images, se dérouler le film, quand avancent les mots. Se faire lire le Conte suivant, les yeux au plafond, là, portés par la voix apparaissent la plaine nappée de brouillard, le messager ensanglanté, le mouchoir aux fraises brodées, la forêt aux lucioles… Avec l’histoire et la voix qui la dit, se crée l’image et se réinvente le théâtre. Une histoire, des images, une langue… du théâtre que ces textes-là.
Donc : deux comédiens : un homme et une femme pour leur timbre de voix différent et pour Othello, Iago, Hamlet, Macbeth, Banco…pour Ophélie, Desdémone, Lady Macbeth… mais aussi le ciel, le mur, l’épée, le cheval, le sansonnet, le verbe, le pronom, la respiration… un rideau, rouge peut-être, une servante lumineuse, un livre (parce que «au fond du théâtre il y a toujours un livre») et du vide du vide du vide pour que tout apparaisse. La cage de scène comme on ne la voit que lorsqu’on revient et que le théâtre croit être enfin seul. Faire du théâtre après le théâtre dans la nuit du Conte. Un théâtre mental construit avec ses images intimes. Prendre trois tragédies de Shakespeare ; entendre ici, parce que rapprochées, les visions du pouvoir, de l’amour entre homme et femme, de la mort, du Grand William. Avec la langue de la littérature refaire le théâtre. Lire, dire, jouer.
Dernier acte. Quand enfin est acceptée l’idée de quitter pour un temps la source à rêves de théâtre que sont ces contes, aller chercher qui sont les auteurs. Pas un mais deux : un homme et une femme justement. Lire la préface. Le frère et la soeur. Le frère est allé rechercher sa soeur à l’asile d’aliénés pour écrire avec elle des Contes, lui cédant les comédies pour préserver son esprit malade. Charles est allé rechercher Mary enfermée pour avoir poignardé et tué leur mère. Shakespearien, non ? Maintenant avec cette dernière information digne des Chroniques, impossible d’en rester là. Faire du théâtre avec les textes de Charles et Mary Lamb, interprètes de Shakespeare.

Anne-Laure Liégeois

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.