: Le choix du texte
Il existe une multitude de versions et adaptations : Pierre
Jean Jouve, Jean-Luc Lagarce, Alban Berg, Georg Wilhelm
Pabst, en plus de celle en deux parties, écrite par l’auteur
lui-même.
La version que nous proposons est établie à partir de la
pièce de 1894, à tous égards plus fulgurante, et plus crue,
moins explicative et moins bavarde que la version de 1913.
En plus de légères variantes, nous gardons la scène de la
loge dans le théâtre, et nous rétablissons le Prologue, retraduit
pour respecter les rimes.
C’est parce que les acteurs et les spectateurs semblaient
décontenancés par sa pièce (représentée dans sa seconde
version) que Frank Wedekind a écrit ce prologue. Il y explique
qu’il a été inspiré par un séjour à Paris, au cours duquel
il a découvert le monde des revues, du Moulin Rouge
par exemple …
Par ailleurs, pour appuyer cette notion de modernité de la
langue, nous nous sommes arrêtés sur la première version
de Frank Wedekind, en la nourrissant d’arrangements piochés au sein de chaque version, car finalement
le texte de Wedekind pourrait être la face visible de l’iceberg ; avant nous, nombre de
dramaturges, de cinéastes se sont frottés à cette énigme, à ce mythe, Lulu.
Nous travaillons à partir du drame en cinq actes de Wedekind, la première version qui fut retrouvée
dans les archives de l’auteur et, nous pourrions presque dire, restée ignorée jusqu’ici.
Dans cette version, nous sommes, en plus d’un texte, en présence d’une langue. Rythmée,
ponctuée, par l’auteur. La présence de ces tirets, plus ou moins nombreux au sein même de la
typographie, indique un souffle, une respiration. Comment s’en faire un allié ?
Il s’agit de faire ressortir les registres de rythmes et de genres théâtraux : la comédie, le drame,
plus exactement, le grotesque et la tragédie. Le terme de tragédie est présent dans le titre, et la
comédie n’est jamais très loin. Elle est induite, étroitement liée au tragique. Les situations, les personnages
deviennent grotesques malgré eux. Une forme de vaudeville grotesque.
Cette tragédie-monstre est une oeuvre majeure, plus riche dramatiquement parlant que les deux
qui lui ont succédé pour des raisons de censure. Une toute première version, traduite à tous
niveaux au plus proche de la volonté de l’auteur. Une oeuvre qui fait peur. Par son envergure. Par
son sujet. Une satire de la société bourgeoise allemande du milieu du XIXe siècle.
Nous nous plaçons dans ce travail en tant qu’archéologue : remettre au jour cette réflexion sur le
conflit profond entre l’image de soi et la nature indomptée qui nous est présentée. Il appartiendra
à une femme, Lulu, d’être le révélateur de ce que l’on peut qualifier de crise de la modernité. C’est
par elle que la vérité adviendra, autant que le scandale, la destruction et la mort.
Wedekind n’écrit pas une oeuvre de dénonciation politique ou sociale. Son théâtre se présente
plutôt comme un constat. Son caractère scandaleux vient de ce que l’auteur ne condamne pas ses
personnages, mais les observe et semble même leur donner raison dans la mesure où leur attitude
permet de montrer la fragilité de l’ordre établi. Tout se passe comme si Wedekind voulait simplement
montrer la réalité peu reluisante de l’âme humaine et des rapports sociaux.
L’oeuvre se présente ainsi comme une galerie de portraits contemporains et une suite de scènes
sur la vie moderne.
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