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Lucrèce Borgia

+ d'infos sur le texte de Victor Hugo
mise en scène Lucie Berelowitsch

: Lucrèce et Gennaro – Un amour libérateur et dévorant

Gennaro est orphelin, comme beaucoup de héros Hugoliens.
Il est prolétaire dans le sens où il ne se définit pas par ses parents.
Il est libre dans le sens où la liberté est la reconnaissance de la liberté de l’autre.
Il se définit par son absolue innocence, par sa pureté, par son caractère chevaleresque (il meurt pour que son ami ne meurt pas), comme si lui seul échappait au monde compromis dans lequel est Lucrèce. Il est adulte et enfant. Un enfant qui ne deviendra jamais adulte.
Il se caractérise par l’amour qu’il voue à son égal et non à ses ascendants. Comme une définition d’un nouvel homme.
A son arrivée à Ferrare, il arrache avec son épée l’initiale du nom Borgia écrit sur la façade du palais Ducal. Ainsi, en décapitant le nom de Borgia, donc le nom du père, il dévoile l’orgie que cache ce nom, et ainsi révèle la vérité de sa mère.
Lucrèce nous apparaît alors « orgiaque ». Et orgie veut aussi dire colère, en connexion avec les forces dionysiaques, les forces théâtrales. Il y a aussi dans le nom Lucrèce l’écho de Lucrèce, le poète. C’est alors un hymne à Venus, à la Mère, sans surnature, sans créateur, où la vie se construit sur les rencontres avant tout, ce qui se révèle des fantasmes, des pulsions cachées.
J’y vois alors une affirmation de la nature contre la mauvaise culture, contre une société hypocrite, et contre l’hypocrisie. La pièce commence par cette phrase : Nous vivons dans une époque où les gens accomplissent tant d’actions horribles…
Lucrèce est pervertie, mais dans une société elle-même pervertie, ce qui questionne alors pour nous spectateurs notre conception du bien.
Il y a aussi l’idée de la « pensée clandestine »: Lucrèce apparaît pour la première fois masquée, et sous le clair de lune ; elle exhibe sa violence et cache son amour pur, amour comme la contreviolence par excellence. Sa pureté amoureuse nait du chaos, de la nuit, d’un masque, d’un loup. C’est une louve.


Il y a la pudeur du cynisme : une exhibition cynique du corps et une extrême pudeur de l’âme… Cet amour maternel - amour gratuit et dans le don - libère et affirme Lucrèce. Il la révèle à elle-même, dans son indépendance. Gennaro, lui, s’affirme dans ses convictions, dans sa générosité de combattant.
Ainsi leur rencontre leur permet de se libérer au contact l’un de l’autre. Cela se passe au delà des mots, au delà d’une reconnaissance réelle.
Cette incapacité qu’elle a à lui dire ce qu’elle est me fait penser à Phèdre et son C’est toi qui l’a nommé. Ce qui se joue entre ce qu’on nomme et ce qu’on tait : Chose nommée meurt à jamais, nous dit Marina Tsvetaieva dans sa pièce Le Gars.
Ne pas dire, c’est rester dans l’interdit, dans l’impossible, et dans le désir.

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