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Lost (replay)

+ d'infos sur le texte de Gérard Watkins
mise en scène Gérard Watkins

: Sur le plateau

Ce conte fantastique va se déployer en trois temps, trois mouvements d'écriture.


Parce que les formes et structures complexes de narration qu'offrent le théâtre, permettent d'en dire autant sur notre époque que la fable elle-même. Elles permettent, comme le désirent si ardemment les anges déchus, de remettre l'humain au centre.


La première partie se déroule comme un puzzle visuel, naïf, et burlesque. Ce sont des impacts organiques. Juxtaposées sur deux niveaux. Les humains en haut, les anges en bas. Comme si ces deux niveaux n'avaient rien à voir l'un avec l'autre. Les humains n'ont, pour l'instant, rien d'autre à déballer que leur enlisement dans le matérialisme. Et les anges, rien d'autre à déballer que leur rage et leurs frustration d'avoir été chassés, virés pour avoir osé ouvrir leur gueule.


Parce qu'ils avaient vu, oui, bien vu, et bien dit, que l'humanité sombrait, et que le projet n'avait plus rien à voir avec le projet.


Alors ils débarquent, en cassant les murs, avec des bras cassées, des jambes cassées, des gueules cassées, pour nous replonger dans la vie. Représentations surgissantes de nos blessures, de nos paradis perdus, et de nos illusions meurtries.


Dans un deuxième temps, ces mondes, le haut et le bas, vont se rencontrer et se fusionner, en passant par une laverie. Une machine à laver. C'est ce qu'on appelle le « mix ». C'est ce que les anges appellent « le projet ». Cette rencontre transite par la parole, et on ne sait pas très bien si la parole jaillit d'un bouleversement identitaire, ou si un bouleversement identitaire fait jaillir de la parole. C'est le principe de l'échange, d'ailleurs. Du dialogue. Et on ne sait pas non plus qui de l'ange ou de l'humain en sort le plus bouleversé. Bouleversement des humains en marche vers leur libération. Bouleversement des anges en marche vers leur humanité.


Les anges, passionnés par leur projet, et persuadés que cette rencontre sur le toit de l'immeuble va remettre du combustible et humaniser la terre, s'attellent, mi-coach, mi-analystes, à travailler au corps les humains pour les faire craquer.


Parce que ces anges ont bien débarqué là pour nous réveiller et nous rappeler qu'une révolution est possible dans ce monde. Révolution politique. Mais aussi, et avant tout, et bien avant, une révolution de nos existences. En s'extrayant de la fiction du monde industrialisée, et de ses interminables assujettissements. En retrouvant une écoute radicale de ses émotions, de ses désirs, et de l'autre.


Les deux scènes se déroulent dans une même temporalité, pour que les silences des uns soient comblés par le dialogue des autres. Parce que l'autre, c'est aussi, au sens plus universel, ce qu'on a tendance à oublier en Europe, celui qui n'est pas directement relié à soi. Et c'est ça aussi, le projet des anges. Recentrer, et relier des êtres à ce qu'ils sont, et à ce qu'ils sont les uns par rapport aux autres, autant à travers le mur qui sépare les deux appartements, qu'à travers les mers qui séparent le continent, qu'à travers les années qui séparent les siècles. Des anges Spinozistes, en somme.


Pour finir, grâce aux incantations et à la mue de Luc en serpent, et à son merveilleux projet de laver les mots de l'affront qui leur a été fait, arrive le troisième temps.


Mais de quel affront parle-t-il, enfin ?


La publicité de la nouvelle Freebox annonçait une « révolution ». Sur Facebook, des centaines, des milliers « d' amis » se « like ». Des drones arpentent le ciel au nom d'une guerre « propre ». Les mots les plus importants de la communauté humaine ont, il l'a bien vu, il l'a bien dit, été vidés de leur sens. Par les médias, les politiciens, les agences de communication. Pour vendre. Pour valoriser. Du tout, du rien, du grand n'importe quoi. Un système qui part lamentablement en sucette. Des pingouins qui agitent des bras de manchots pour que ça tienne encore quelques années. Alors le serpent dit Voir Valse Ventre Vigne. Et il danse. Et par sa valse nous amène au troisième temps.


Celui ou le puzzle s'assemble. Celui du temps retrouvé. Celui du théâtre. A la lisière de la comédie romantique shakespearienne. Sur la pente magique d'un toit. Unité de l'espace retrouvée. Unité du temps retrouvé. Parole retrouvée. Humanité retrouvée. C'est le rôle du théâtre. Composer, décomposer, et, comme dirait un spectateur, donner une deuxième chance. Une autre chance. Pas une dernière chance. Juste une autre chance.

Gérard Watkins

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