Avec son titre en trompe-l'œil et son approche résolument moderne du flamenco, Lo Real / Le Réel / The Real est une des pièces chorégraphiques les plus surprenantes de l'année. Extrêmement audacieux dans son approche d'un sujet des plus complexes à traiter (la persécution des tziganes par les nazis), le petit prodige Israel Galvàn rivalise d'ingéniosité technique et de créativité artistique pour mieux dépoussiérer le genre, se nourrissant d'inspirations qui dépassent largement le champ du folklore traditionnel, intégrant à son art de nouveaux mouvements surprenants qui renforcent encore l'intensité extraordinaire de sa composition. Passes de torero, frappes de pied viriles, taconeado (claquements de talons) mouvementés, intrusion subite d'éléments perturbateurs, la panoplie d'Israel Galvàn s'étoffe encore et lui permet d'évoquer la résistance de la culture tzigane à l'oppression avec un étonnant mélange de pudeur et de détermination. Les trois danseurs font corps sur scène, leurs corps deviennent symboles, se tordent de douleur avant de se relever plein d'espoir. Ils plient parfois mais ne cèdent jamais, sombres et lumineux à la fois, porteurs d'une gestuelle très dense où la gravité du propos se mêle à la légèreté des mouvements... Un spectacle de toute beauté qui interdit presque au spectateur de détourner les yeux un instant, l'obligeant ainsi à regarder en face... La réalité.