: 1944 1962 1982 2004
2004 SOL
En 2004 Sol vit à San Francisco, ses parents sont protestants, et lui-même
se dit « fils de Google et de Dieu ». C’est un enfant brillant qui passe son
temps à emmagasiner des informations (sur internet, comme au sein de
conversations d’adultes) mais qui nous apparaît très vite insupportable :
Sol est colérique, ultra gâté, tout-puissant, manipulateur, méprisant,
condescendant avec les adultes. Il tyrannise sa mère, pour qui il est un
intouchable ; son père Randall, homme d’affaire sur-occupé tentant de
maintenir le niveau de vie de sa famille, n’est jamais à la maison.
Sol représente une génération américaine pour qui se mélangent le terrorisme,
le puritanisme, la guerre contre l'Axe du Mal, Schwarzenegger,
et les tortures en Irak - le genre d'images que Sol dévore continuellement.
Mais si Sol nous paraît franchement irritant, voire monstrueux, c'est avant
tout parce que c'est celui qui a le plus “verrouillé” sa faille : il transforme
sa faiblesse en arrogance, son impuissance en surpuissance.
1982 RANDALL
En 1982 Randall vit à New-York et est élevé dans le judaïsme : sa mère
Sadie, juive convertie, est une pratiquante fervente. Elle est rarement disponible
car « elle donne des conférences sur le Mal dans des universités
un peu partout dans le pays », obsédée par le IIIème Reich et l’histoire cachée
de sa famille. Randall passe donc la plupart de son temps avec son
père, Aron qui est « tellement cool (…). La vérité c’est que l’atmosphère se
détend chaque fois que (sa) mère quitte une pièce, et se tend chaque fois
qu’elle y entre ».
Les recherches de sa mère conduisent Randall et ses parents à aller vivre
à Haïfa, en Israël. Là, il tombe amoureux de Nouzha, une jeune palestinienne,
qui, après avoir été traumatisée par les massacres de Sabra et
Shatila, le rejette violemment. Il pense qu’elle lui a jeté le “mauvais oeil”
quand sa mère est victime d’un accident de voiture qui la laisse paralysée.
1962 SADIE
En 1962 Sadie vit à Toronto, chez ses grands-parents maternels qui
l’élèvent dans le catholicisme, la monotonie, l’exigence et la sévérité.
Sadie, qui a des tendances boulimiques, est « une petite fille bien triste».
Elle n’a jamais connu son père, et sa mère Kristina, qu’elle ne voit presque
jamais, lui manque énormément : celle-ci vit à New York où elle se
consacre à sa carrière de chanteuse. Elle pense que si elle souffre autant,
c’est parce qu’elle est maudite - « la mauvaiseté est cachée au fond de
moi » - et invoque alors « L’Ennemi qui a présidé à (sa) naissance», un
être imaginaire toujours aux aguets pour lui nuire.
Elle croit qu’elle va enfin devenir heureuse le jour où elle part vivre chez
sa mère et son nouvel époux. Hélas, Kristina a peu de place pour une
petite fille dans son existence, et c’est Peter, son beau-père, qui l’élève,
lui donne le nom de Silbermann, et lui fait découvrir la culture juive. Mais
un jour Sadie surprend sa mère en train de le tromper, et découvre que
ses origines ne sont pas canadiennes mais allemandes, peut-être même
nazies. En découvrant l’enfance de Kristina, que nous avons déjà maintes
fois rencontrée sous le nom d’AGM ou bien d’Erra, nous ne découvrons
pas seulement le lourd secret qui pèse sur cette famille, nous comprenons
l’origine de bien des maux qui ont traversé les générations.
1944 KRISTINA
En 1944, Kristina vit dans une petite ville de la région munichoise, dans
une famille catholique, et dans un contexte extrêmement dur (débâcle
allemande, mort des hommes de la famille…) Kristina a faim, et rêve de
devenir « la Grosse Dame du cirque ». Malgré cela, Kirstina est heureuse :
« Le clocher de l’horloge le manège les petits moulins à vent l’église
le tourniquet la boîte à bijoux le piano les cartes postales de Dresde »
consituent son univers. Elle est entourée et aimée, entre autres par son
grand-père qui lui apprend à chanter.
Mais un jour sa soeur Greta, dans un moment de cruauté, provoque un
séisme : « Tu es adoptée » lui dit-elle. Kristina est encore sous le choc de
cette révélation quand la famille accueille un nouvel enfant : Johann, ou
plutôt Janek puisqu’il s’agit d’un jeune polonais volé à sa famille. Il convainc
Kristina qu’elle aussi est polonaise, lui apprend cette langue et projette
de s’enfuir avec elle. Ils n’en ont pas le temps, car la guerre est finie
et l’administration les retrouve : Kristina, déjà déchirée entre l’Allemagne
et la Pologne, apprend qu’elle s’appelle en fait Klarysa et est ukrainienne.
Elle n’a plus de langue, plus de parents, plus de famille adoptive, et elle
est séparée de Janek puisqu’elle est placée dans une famille canadienne.
Il ne lui reste plus que le chant.
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