theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Liberté à Brème »

Liberté à Brème

mise en scène Cédric Gourmelon

: Notes d'intention

par Cédric Gourmelon

Je souhaite que le spectacle soit, à l’instar du texte, troublant, puissant et explosif.


Le spectacle est destiné à de grands plateaux. Il sera relativement court.


C’est une pièce abrupte, par son propos mais aussi par son découpage et son ton. Tout se dit, sans détour, sans fioriture, sans transition, à la frontière du burlesque, au profit d’une théâtralité de l’univoque pour mieux aiguiser la critique sociale.


(...) comment représenter cette violence au théâtre (...)


Geesche se fait frapper, humilier, agresser sexuellement... hurle à la mort après le départ de son deuxième mari... s’évanouit après la mort de sa mère...
Comment représenter cette violence au théâtre ? Comment la mettre à distance en trouvant un mode ou un principe de jeu particulier, pour d’autant mieux la faire ressentir, ou rester collé au premier degré en essayant de trouver les gestes les plus proches de ceux demandés par Fassbinder, ou bien encore imaginer des métaphores sous une forme chorégraphique ? Les répétitions seront un terrain d’expérimentation car la question de la représentation du hors norme et de la violence au théâtre m’intéresse beaucoup.


À la lecture l’on peut presque rire devant ces excès, cette naïveté assumée, comme une façon d’y échapper.
Et je sais que ce qui m’intéressera avec les acteurs sera de tenir le fil sans basculer dans le confort de la parodie ou la caricature. Nous ne choisirons ni de faire rire, ni à s’en préserver, mais à incarner cette langue et ses situations complètement, et si possible avec subtilité, en faisant entendre chaque mot de la partition.


(...) le texte ne prendra «son sexe» qu’avec les corps des acteurs sur le plateau (...)


La pièce est construite entièrement autour de Geesche, interprétée par Valérie Dréville ; son personnage ne quitte pas la scène et enchaîne les rencontres avec les autres. C’est un rôle singulier qui demande une intelligence aigüe du plateau. J’ai choisi de constituer une troupe d’acteurs expérimentés parce que les scènes sont courtes et demandent à être immédiate-ment incarnées de façon précise et cinglante pour que le théâtre de Fassbinder soit pleine-ment reçu.


C’est une pièce qui a besoin du plateau pour exister, cela paraît évident mais ce n’est pas toujours le cas. À la création Fassbinder était à la fois auteur, metteur en scène et acteur dans la pièce. Et l’on sent que le texte ne prendra «son sexe» qu’avec les corps des acteurs sur le plateau. La langue a besoin des corps pour être incarnée, et les corps d’enjeux théâtraux clairs.


J’ai parlé de la richesse stylistique de la pièce, tout ce qu’elle est à la fois, un thriller, une tragédie, un drame à stations, une farce ma-cabre... Je ne souhaite pas «utiliser» la pièce et privilégier l’une de ces formes sur l’autre, elles sont toutes contenues dedans. Je souhaite d’abord la donner à entendre dans sa singularité et sa radicalité.


Parmi les enjeux à mettre en valeur, il y a l’idée que derrière toutes les atteintes violentes ou brutalités conscientes, se cachent une réaction à d’autres brutalités ou violences, insidieuses, exercées par un groupe ou une société.


Il y a aussi le poids de la religion, l’ambivalence de la relation à sa foi que l’on se construit, (je pense entre autres à l’islamisme radical), Geesche priant intensément devant son crucifix après chacun de ses meurtres.


Cette figure de femme aliénée et enfermée dans un rapport dominant/dominée existe dans d’autres œuvres de Fassbinder, je pense à Martha, mais aussi à Effie Briest, Veronika Voss...


Je ne pense pas utiliser d’extraits de ses films mais nous tenterons de construire nos propres images à partir de celles de Fassbinder, plongeant dans son univers.Représenter les rêves, les cauchemars de Geesche en s’inspirant de certaines séquences de ses films...


La pièce pourra être ponctuée de quelques tableaux, plastiques, chorégraphiques, que nous créerons avec les acteurs. Je peux aussi imaginer à ce stade la présence d’autres extraits de textes provenant d’autres œuvres de Fassbinder...


(...) esthétique de l’atelier de répétition (...)


Fassbinder, dans son cinéma ou dans son théâtre, a souvent choisi de raconter ses histoires dans le cadre d’une époque où elles prenaient du relief. Elles se passent dans les années 50, au 19ème siècle, au 15ème siècle pour Le voyage à Niklashausen, Le Café d’après Goldoni dans un bar avec juke box...
J’ai choisi d’assumer une esthétique de l’atelier de répétition, de l’approximatif ciselé, ou les anachronismes pourront être recherchés. Les costumes seront à la fois orientés vers une idée du 19ème siècle (l’époque de Geesche), et à la fois ils parleront d’aujourd'hui avec parfois des résonances très contemporaines.


Au début du spectacle, tous les acteurs entreront en scène, dans un espace relativement neutre (salle de répétition, grande salle de réunion d’un établissement public, salle des fêtes...). Ils entoureront la zone où l’action de la pièce se déroule : une zone surélevée sur laquelle se trouveront un paravent, une table, quelques chaises (le minimum pour que ce type de théâtre puisse avoir lieu), figurant la maison de Geesche. Ils revêtiront leurs costumes plus ou moins à la vue des spectateurs.


Geesche ne quittera jamais cette zone, où elle sera rejointe par chacun des protagonistes, avant qu’ils n’en sortent pour la plupart les pieds devant. Les cadavres seront déplacés par Geesche hors de la zone. Les acteurs, quand les personnages qu’ils incarnent seront morts, rejoindront les coulisses jusqu’à la fin du spectacle.


Geesche se retrouvera seule en scène à la fin.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.