Fassbinder est parti d’un fait divers historique. Geesche Gotfried a tué 15 personnes de son entourage (maris, parents, enfants, voisins...) entre 1813 et 1827 à Brême, en Allemagne, empoisonnant au total une quarantaine de personnes tombées gravement malades. Avant d’être suspectée puis condamnée, elle s’était attirée la sympathie de toute la ville, considérée comme une femme sur laquelle le sort s’était injustement acharné, surnommée «l’Ange de Brême», elle prodiguait des soins à toutes ses victimes pour leur éviter de trop grandes souffrances.Elle fut décapitée le 21 avril 1831, dernière exécution en place publique de l’histoire de la ville de Brême.

Fassbinder s’est emparé de cette histoire en s’attachant aux motivations de la meurtrière. À une époque et dans une ville très conservatrices, où les femmes étaient considérées comme «intermédiaires entre l’enfant et l’homme», il décortique l’environnement social et familial de Geesche qui nous apparaît en proie à une oppression ultra-violente de la part de son entourage ; au nom de valeurs morales et religieuses, elle est sans cesse contrainte ou niée par son mari, son frère, ses parents, son second mari. Semblant en plus souffrir d’une terrible malédiction, elle voit tous ceux qui l’entourent, ces mêmes tortionnaires mais aussi ses enfants, sa voisine, mourir mystérieuse-ment. Elle finit par faire face avec courage et s’affranchit complètement de sa condition initiale et l’on applaudit son combat avant de découvrir finalement qu’elle est la responsable de tous ces meurtres.

Fassbinder a créé cette pièce en décembre 1971 à l’invitation du théâtre de Brême, après avoir rencontré Margit Carstensen, qui était alors la femme du régisseur général du théâtre. Elle interpréta Geesche avant d’incarner d’autres personnages importants de l’œuvre de Fassbinder comme Petra von Kant. Cette pièce a ensuite été adaptée par Fassbinder pour la télévision en 1972.