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Libération sexuelle

+ d'infos sur le texte de Dorian Rossel
mise en scène Dorian Rossel

: Entretien avec Dorian Rossel

En quoi Libération sexuelle poursuit la démarche initiée avec les jours heureux et Gloire & Beauté ?


C’est la poursuite d’une thématique, du désir de rendre compte de notre époque, de s’interroger sur quel théâtre pour aujourd’hui. Comment rendre compte de la complexité de notre expérience du monde et de nous en tant qu’individu ? La télévision, la publicité, les politiciens parlent de tout cela de façon réductrice en cherchant un résultat précis, en cherchant à vendre des choses ou des idées. Jje ne me reconnais pas en cela. pense que, en tant qu’individu, nous sommes plus complexes, plus contradictoires et paradoxales. Par le théâtre, je cherche à relater ces tiraillements intérieurs. Il y a aussi cette idée qu’entre le rêve et la réalité, entre la manière dont on perçoit les choses et la manière dont on est perçu, entre le moment où l’on rêve d’une création et le moment où la création voit le jour, il y a un décalage. Ce glissement n’est pas une déception ; au contraire, c’est une zone de flottement dans laquelle la poésie peut émerger.


En quoi Libération sexuelle se différencie-t-il des deux premiers volets ?


Avec Libération sexuelle, je cherche à aller dans le cerveau d’un individu. Le premier volet parlait de la relation entre l’individu et le groupe, le deuxième s’attachait plus spécifiquement à l’adaptation de l’individu au groupe. Et avec Libération sexuelle, c’est un zoom en avant vers les pensées profondes de quelqu’un en situation de rupture amoureuse, brisé et qui essaie de se (re)construire: quels sont nos rêves, qu’est-ce que nous en faisons, comment s’adapte-t-on à la réalité, alors que l’on aspire souvent à autres choses.


Comment ce point de vue interne va être retranscrit scéniquement ?


Il y aura un choeur qui sera le reflet du personnage principal. Celui-ci projettera des choses sur ce choeur qui, à son tour, projettera des choses sur le personnage. Il y a donc un phénomène de miroir. Ils sont ses pensées. Ce personnage principal va communiquer ses idées aux autres personnages et les autres vont essayer de le comprendre et d’en faire quelque chose. Finalement, ça se rapproche de ma position de metteur en scène où je cherche à transmettre aux comédiens les lignes de force du spectacle à venir.
Pour moi, la question du choeur est une question fondamentale au théâtre, car le choeur est finalement une représentation de la société. Oon pourrait même dire que le choeur est une société idéale où les gens vivent ensemble sans perdre leur individualité. C’est une question qui revient toujours dans mes spectacles. Par contre, à chaque fois, je me demande quel choeur pour aujourd’hui et j’essaie de réinventer un choeur qui serait le reflet de notre époque.


Quelle est la matière textuelle de Libération sexuelle ?


Il n’y a pas un texte unique à jouer et à mettre en scène, mais il y a différentes sources textuelles. Par exemple, je peux amener un article, un fragment d’essai ou un poème et les comédiens vont se l’approprier et en faire une improvisation. Déjà là, le texte est complètement réécrit. Ensuite, la dramaturge et moi retravaillons la proposition que l’on redonne aux comédiens et qui en font encore autre chose. C’est pour cela que je parle de rencontres… ça ne sera plus leur scène et ça ne sera pas non plus mon idée de départ qu’ils ont simplement interprétée. Si, par exemple, nous nous sommes inspirés des écrits de Wilhelm Reich, psychanalyste du début du siècle qui a été une référence théorique en matière de sexualité pour de nombreux acteurs de Mai 68, les spectateurs ne trouveront pas forcément une trace de ses textes dans Libération sexuelle.


Pour moi, ce type de travail nécessite une grande écoute et compréhension les uns des autres. Àà chaque fois qu’on rejoue les scènes, on voit de nouveaux aspects de lecture possibles. Et ce qui nous intéresse c’est que la scène finale contienne plusieurs facettes, que ce ne soit pas uniquement LA scène comique ou LA scène tragique. Dans certains téléfilms par exemples, il me semble parfois qu’on essaie de me dire ce que je dois penser ou ressentir. Nous voudrions créer un moment scénique ou les gens seraient libre de voyager dans des sensations selon leur état du moment, et d’autant plus que ces sensations sont parfois multiples et contradictoires. Dans la vie, une même situation peut être perçue de manière différente et c’est cette polysémie que nous cherchons sur le plateau.


Le titre Libération sexuelle fait référence aux années 60…


Ce titre évoque une époque passée que ma génération fantasme souvent. Il évoque la sexualité comme objet d’une libération plus vaste. Mais il est aussi un clin d’oeil au personnage principal qui vit une rupture amoureuse et qui est ainsi amené à vivre une autre forme de sexualité que celle partagée avec le partenaire avec lequel il a rompu. Comment gère-t-on ces moments de rupture et de rencontre, ces moments de libération et de solitude ?


Il y a beaucoup de scènes de rupture et de tentative de libération dans ce spectacle, car ce qui m’intéresse ce sont des personnages qui cherchent, qui n’ont pas baissé les bras et qui sont toujours en quête de résoudre cette énigme que pose ce titre de Libération sexuelle.


Il était aussi important pour moi que les trois titres de la trilogie s’accordent ensemble : Les jours heureux, Gloire & Beauté liquidation totale et Libération sexuelle. C’est une manière de clore, d’aller vers un ailleurs.


Tu cites dans ton dossier Jean-Philippe Toussaint…


Ce que j’aime chez Jean-Philippe Toussaint, c’est la manière dont le personnage observe ce qui l’entoure. Peu à peu cette observation devient un portrait de ce qui se passe à l’intérieur de lui. Il y a cette phrase que j’aime beaucoup: « le désordre cosmique et le chaos intime invisiblement se rejoignent et aux dires des astrophysiciens, l’univers s’organise en se désintégrant. » Et puis notre manière de travailler est assez chaotique, on essaie d’appliquer la définition du mot « chaos » à notre démarche : « le vide ou confusion d’avant la création ».

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