Léviathan :
Nom d’un animal fabuleux dans la Bible, livre de Job.
Crocodile avec la lèpre en bouche qui symbolise les forces du mal et du chaos s’opposant à Dieu.

« Le temps tragique semble vouer le monde à toutes les menaces d’un Léviathan sans forme et sans visage » DANIEL ROPS

Coccyx :
Du Grec « kokkux », « bec de mouton »
Petit os situé à l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale articulé avec le sacrum.

Renversé par le nouveau pouvoir en place, le dictateur Léviathan Coccyx fuit avec sa femme Anastasia et sa fille Marilé ; c’est dans la maison de campagne de sa bonne Lolio qu’il trouve refuge. Dehors, le peuple réclame son suicide, mais Léviathan n’a qu’une obsession : le sexe, partout, tout le temps. Tout aussi délurés, les autres personnages laissent libre cours à leurs pulsions. Anastasia, ancienne internée psychiatrique, souhaite s’exiler avec l’argent du pouvoir. Marilé, quant à elle, est une jeune fille fragile, follement amoureuse de son père. C’est Lolio, la bonne, qui s’occupe des névroses de tous, couchant avec le père, faisant des piqûres à la mère comme à la fille. Au centre de cet univers passionnel, incestueux et cruel, le drame se construit et se chorégraphie autour d’un cercueil, ancien présent de Léviathan à Lolio. Marilé veut y dormir. Léviathan rate son suicide, viole et tue l’espionne mademoiselle Fuchs, dont le rectum était équipé d’un émetteur. Il faut fuir en cachant Léviathan dans le cercueil, mais, jamais en retard d’un caprice, il refuse.

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Notes de l’auteur

Ouvrons sa gidouille au père Ubu et tirons, déroulons la spirale odieuse de ses rouges enfants : Mussolini, Hitler, Staline, Amin Dada, Franco, Duvalier, Pol Pot, Ceaucescu, Milosevic… Tous les affreux du 20ème siècle lui sortent des tripes en se tenant par la main : des chauves, des moustachus, des oreilles écartées… Qu’ont-ils en commun ces génies de série B ? Cherchons… C’est l’amour, l’amour dévastateur, la dévotion sans limite pour le père, le héros, le soleil ! Le peuple tombe amoureux raide mort, il donne ses yeux à celui qui l’étrangle. Tirons, tirons encore. Au fin bout de la queue, voici Léviathan Coccyx, obscur dictateur on ne sait pas trop où sur la carte. Il vient de perdre les élections, il s’est terré avec femme, fille et personnel féminin dans une datcha en altitude. Un coq apeuré qui ne règne plus que sur ses poules. Et là, quoi ? Mais ça repart entre eux ! Encore l’amour, l’amour à en crever, de rire et de honte !

JEAN-DANIEL MAGNIN

«Voici que survient l’horreur comme l’orage. Et si cette nuit préfigurait celle qui suit la mort, si l’au-delà n’était qu’un frisson sans fin au bord d’un abîme où nous pousse tout ce qui en nous est lâche et corrompu et où nous précèderaient la lâcheté et la corruption du monde. Nulle échappatoire, nulle issue, nul espoir, mais seules les perpétuelles redites du sordide et du demi tragique… Ou, peut-être, attendre indéfiniment aux confins de la vie sans pouvoir jamais franchir le seuil qui nous sépare.

Quand l’horloge sonne quatre heures, je ne suis plus qu’un spectre. »

SC. FITZGERALD

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Notes du metteur en scène

Quelques réflexions avant les répétitions - mars 2005

Hanté par le soleil noir de la folie, entre les Carpates (pays de Dracula !) et la Bosnie - Roumanie - Hongrie (pays de la Comtesse sanglante E. Barthory !) dans un Etat au bord de l’asphyxie et de la ruine, et qui exige son coupable, où l’insurrection tient lieu de fête populaire, Léviathan Coccyx fuit la vindicte populaire.

Grotesque et pathétique dans la lignée des personnages de Gombrowicz et de Witkiewicz, il incarne le dictateur irresponsable et paranoïaque, l’énergie furieuse du pouvoir déviant sous toutes ses formes ; Ubu dépossédé de sa folle rhétorique en proie à ses pulsions régénératrices qu’il exerce sans vergogne sur les femmes de son entourage, comme Dracula sur ses belles jeunes filles.

Léviathan Coccyx de Jean-Daniel Magnin est un texte à lectures multiples. Profondément moderne par son sujet – qui n’est pas sans rappeler « l’affaire Ceausescu » ou celle de Milosevic- il appartient également au monde de l’imaginaire et de la poésie. Comme Henri Michaux parlant de ses vieux jours, Léviathan Coccyx pourrait également nommer son errance – « Je promène le Monstre !… », ce corps maudit qui chute mais auquel le puissant désir de durer m’assujettit. Léviathan, vieil enfant goguenard, fornicateur compulsionnel, père incestueux par défaut qui ne craint ni le poison ni la mort, vainqueur de tous les tabous et de toutes les lois.

Plus qu’à son lointain et romantique cousin Dracula, c’est à M Le Maudit de F. Lang que nous ferons référence pour incarner cette figure ridicule et pitoyable du mal.

Mais l’insondable « du cas » Léviathan doit s’exprimer dans le cadre d’une théâtralité non réaliste et l’impétuosité des crises du monstre requiert une fulgurance que peut amener le traitement du son et de la chorégraphie qui seront nos adjuvants essentiels. Non la violence elle-même, mais l’évocation du blasphème de la liberté bafouée pour ces êtres hors du monde qui valent moins que ce qui leur arrive : leur destin précède leur vie !…

Des centaines de Léviathan sont sortis des mains de l’humanité disait Lautréamont, or nous voici face à cette irruption, entre le rire et la crispation dans une fébrilité qui participe de l’Enfer avec les mots d’une extase retournée.

Le théâtre avec ses métaphores devient alors le dépositaire et le catalyseur de nos convoitises cachées. C’est avant tout de théâtralité sans limites – si ce n’est celle d’un ordre artistique – dont nous aurons la nécessité pour conjurer ces démons désunis. Le théâtre, comme lieu et espace de la démesure, qui émancipe la nostalgie de nos terreurs et d’où émerge, dans la complicité qu’il procure à chacun, ce frisson voluptueux de la présence humaine, le rire qui libère et le tremblement tonique de l’esprit.

AGATHE ALEXIS