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Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en espace Olivier Broda

: Quelques notes

Olivier Broda

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce, nous entraîne jusqu'au vertige dans les us et coutumes de la "bonne société". Une jeune conférencière, passe en revue avec classe et apparente légèreté l'interminable liste des règles à respecter dans les principaux événements de notre vie. Elle nous explique donc la vie et à trop vouloir régler notre existence, elle l’enferme dans des codes qui ne peuvent que nous faire sourire aujourd’hui.


L'inventaire est si détaillé qu'on baigne vite dans l'absurde, la satire intrinsèque et le ridicule. On rit donc, on sourit, on s'égare à loisir dans les subtilités vertigineuses de l'étiquette qui, loin de n'être qu'un simple code de politesse, sert à masquer le calcul et le vide abyssal des coeurs, dissimulés derrière le masque des convenances.


Jean-Luc Lagarce sait décortiquer l’âme humaine comme personne avec une méticulosité de chirurgien. Son bistouri : une écriture en travail, qui laboure, faite de cruautés amicales, qui emploie toujours le rire comme anesthésiant.

Ce monologue (librement adapté des Règles du savoir vivre dans la société moderne de la Baronne Staffe, édité en 1889) est une sorte de mode d’emploi mais dont la matière première de son intérêt est le furieux travail de lutte avec/contre la langue. Corrections de tir, maniaquerie de la grammaire sont au rendez-vous. Il faut donc foncer et se jeter dans les mots. Des mots qui se corrigent et qui parcourent un long voyage pour tenter d’arriver au mot juste, au mot véritable.

Ce qui est bouleversant de surcroît dans ce texte, c’est l’humour que déploie et conserve comme unique arme et espoir quelqu’un qui se sait condamné et qui disparaîtra une année après la rédaction de ce texte. Il est souvent question de mort dans Les Règles certes mais nulle amertume face à l’inéluctable, aucune plainte. Juste une constatation qui utilise l’élégance du rire.

On songe d’emblée à l’affinité très particulière qu’entretient l’auteur avec la fugacité de l’existence (Juste la fin du monde, Histoire d’amour (derniers chapitres),…). Sentiment tantôt comique tantôt funèbre de la vitesse de notre passage dans la vie et du rêve que cette vitesse laisse dans son sillage. Ainsi en un peu plus d’une heure de spectacle, la vie est passée en revue et nous nous voyons mourir. Nous suivons notre parcours sur cette carte de l’existence et nous voyons où nous en sommes. Il y a là quelque chose de drôle et de profondément tragique à la fois.

Mais comme la meilleure façon de parler de choses sérieuses est d’en parler avec légèreté, l’humour et le cynisme sont les meilleurs alliés et l’auteur le sait mieux que personne. L’humour juste celui qui transforme la fange en or.

On parle souvent de la musicalité de l’écriture de Lagarce. Elle est parfois symphonique (Les Prétendants, Le Pays Lointain) ou parfois plus proche de la musique de chambre (Derniers remords avant l’oubli, Juste la fin du monde).

En dramaturge savant, il ‘‘orchestre’’ donc ici les différentes étapes de la vie. Le choix de transformer ce monologue, cet opéra de mots en récital pour cinq voix est alors apparu une évidence. Autant de voix que de différentes facettes de l’écriture de Lagarce.

Cette idée est aussi venue avec un autre constat : quand on découvre ce texte, qu’on le travaille dans la solitude, on en perçoit de plus en plus le côté sombre. Quand on le lit à plusieurs, l’aspect comique surgit, incontestable, chargé de cette cruauté. Comme si un certain allégement musical, théâtral se produisait de lui-même du fait de la pluralité des voix.


Ce monologue devient ainsi un récital : cinq voix, des pupitres, des partitions, de la musique (Richard Swift, Cocorosie, Micah P. Hinson, Andrew Bird, Two Gallants, Tom Waits, …), des tenues de gala, des fleurs, des bulles de savon, de la poésie, des confettis, des chapeaux de fête, des kleenex, et surtout… un humour tendre et sauvage.
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