theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde »

Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde

Hervé Koubi ( Mise en scène )


: Extrait de notes de travail - Septembre 2015

Par Hervé Koubi

« C'est une histoire de chemin, tout est une histoire de chemin...


Cinq années passées entre l'Algérie et la France, de part et d'autre de la Méditerranée, cette mer à l'origine de tous ces peuples déracinés et exilés, origine commune, fondamentale, indéchirable de ceux qu'on appelle les Méditerranéens.


Alors que je tentais vainement de retrouver la mémoire sur la terre de mes ancêtres, en Algérie, ce sont plutôt de nouveaux liens qui se sont noués, des liens inédits qui m'ont permis de mieux comprendre d'où je venais et peut-être qui j'étais. J'ai rencontré des compagnons d'Art, témoins pour moi d'une histoire perdue. J'ai rencontré ceux que j'aime appeler mes frères retrouvés. J'y ai découvert le goût des autres, j'en suis reparti, pour dessiner les contours d'une nouvelle aventure, gourmand de mystère.


Les nuits barbares ou les premiers matins du monde prend sa source dans cette immense et incontournable histoire de notre bassin méditerranéen. Je choisis ici de partager ce chemin qui témoigne de mon envie d'aller vers l'autre, vers l'inconnu à l'encontre d'une actualité dont la machine médiatique qui, jouant de confusion, dicte trop souvent le « nous et les autres , nous les Civilisés, et nos voisins, les barbares » et où le sens étymologique du mot « barbare » cède souvent le pas au sens péjoratif et qualifie celui qui, dépourvu de civilisation et d'humanité, use de la violence avec gratuité.


Certes il est important de savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va mais il est important aussi de savoir d'où l'on parle et il me paraît nécessaire dans le contexte actuel, et je pense qu'il nous est nécessaire à tous, de croire en une universalité des cultures à la fois partagées, métissées et étroitement liées ainsi qu'en un avenir qui selon moi ne peut être que commun.


Les nuits barbares ou les premiers matins du monde sera comme un coup de pied donné au fond de la mer quand on s’enfonce dans les ténèbres comme pour mieux remonter à la surface. S’éloigner des ténèbres de l’obs-curantisme pour mieux retrouver la lumière de notre histoire partagée.


Qui étaient ces Barbares venus du nord, mystérieux Peuples de la Mer dont la Bible, les chroniques, les monuments anciens relatent les forfaits, sans bien dire qui ils étaient, ni d’où ils venaient ? Qui étaient ces autres barbares de l’Est, ces génies des temps obscurs, les Perses, Ioniens, Siths et Babyloniens, les arabo-musulmans ? De quelle Histoire inconnue, oubliée, reprise, assi-milée ou effacée sommes nous héritiers ? Peuples coureurs de steppes ou bâtisseurs de tumulus, peuples avec ou sans dieux, pacifiques ou guerriers, vaincus et pourtant féconds... Il est mille manières de fabriquer de la société.


L’autre, l’étranger fait et a toujours fait peur. Peur fantasmée avec tout ce que cela révèle dans la confrontation, d’ignorance et de frustration même. Je choisirai donc ici de mettre en scène cette peur ancestrale de l’étranger pour mieux aller chercher et dévoiler tout ce qu’il y a justement de sa-voirs cachés, de richesses, de raffinements derrière ces cultures barbares et questionner quelques préjugés bien ancrés dans nos esprits habitués à lire le destin de toute l’humanité à travers des œillères occidentales.


Je veux proposer non pas une réhabilitation de l’Histoire envers ces peuples, ni en faire l’apologie mais y apporter une mise en lumière sensible, pétrie d’humanité et tenter de rendre attachants ces barbares, qui sont eux aussi nos ancêtres.


Une forme d’orientalisme avait nourri mes réflexions et rêves d’Orient portées sur Ce que le jour doit à la nuit. La noce barbare de Jean Cocteau, les musiques sacrées d’orient et d’occident, les brillantes traces laissées par les cultures Vandales, Perses (et les pratiques des Zurkhanées), Goths, Celtes, Huns, Arabo-musulmanes... nourriront Les Nuits Barbares ou les pre-miers matins du monde.


Je choisis de porter mon regard sur ce qui me paraît le plus beau, les mélanges des cultures, des religions, du sacré à travers l’Histoire pour qu’elles puissent m’aider à dessiner et mieux encore révéler les fondations d’une géographie commune sur laquelle aujourd’hui d’un bout à l’autre du monde nous sommes debout trop souvent sans le savoir.


Je veux me saisir aussi de l’Histoire, ouvrir les yeux, glisser vers l’autre, courir vers la Liberté... et me souvenir que le mot barbare se dit aussi Amazigh et signifie l’homme libre.


A la beauté ! Celle qui au delà des guerres parle du mariage, celle qui rassemble, qui tourne le dos à toute revendication identitaire, celle qui prend le meilleur de chacun, qui dans son histoire, son altérité et ses origines de toute façon métissées quoiqu’il en soit, lui rend hommage comme un hymne.


A la Méditerranée qui recèle pour moi tant de pourquoi lumineux où l’aveuglement et les bruissements sont les lettres d’or d’un secret perdu, celui de l’accord absolu de notre désir et de notre destin.


A nos origines communes aussi qui se croisent toutes dans la Méditerranée occitane, orientale, provençale, espagnole, italienne, maghrébine, romaine, grecque…


A notre Histoire qui depuis plus de 3000 ans témoigne de tant de cultures dont l’altérité, nous rassemble, oh oui, nous rassemble bien plus qu’elle ne nous éloigne. Qu’importe que nous soyons algériens, espagnols, français... Nous sommes avant tout de la Méditerranée et c’est cela notre appartenance, elle est plus ancienne que les nations.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.