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Les Tribulations d'une étrangère d'origine

+ d'infos sur l'adaptation de Elizabeth Mazev ,
mise en scène François Berreur

: Une séquence théâtre en classe

La quête de l’identité dans le monologue théâtral

Texte de référence : Mémoire pleine de ELizabeth Mazev

Ressources numériques : Elizabeth Mazev | François Berreur | entretiens | images | extraits vidéo | Réception critique | calendrier des représentations


Objet d’étude : Le texte théâtral et sa représentation, du 17ème siècle à nos jours.
Niveau : classe de première générale et/ou technologique


  • Séance 1 : Rencontre avec l’œuvre
  • Séance 2 : La prise de conscience de l’altérit
  • Séance 3 : Monologue ou seule en scène ?
  • Séance 4 : La question de l’origine identitaire
  • Séance 5 : Le pays d’origine vu à travers le regard de l’enfant puis de l’adulte
  • Séance 6 : La Bulgarie après la chute du Mur. Lecture analytique
  • Séance 7 : Un spectacle comme un hommage au théâtre
  • Séance 8 : L’humour et la force du comique
  • Séance 9 : Entraînement à l’EAF autour d’un corpus de textes sur l’argumentation.

Séance 1 : Rencontre avec l’œuvre


La séquence débute par le visionnage de la première partie de la captation vidéo (une dizaine de minutes) jusqu’à la réplique : « Je parle le bulgare », p. 17.


On interroge la classe sur le personnage interprété par Elizabeth Mazev : le lieu et le temps de l’action, son âge, son costume, ses accessoires, son propos, l’adresse, le jeu.
Au fur et à mesure des réponses, on esquisse la situation et on brosse le portrait de ce personnage « seul en scène ».
Ce peut être aussi l’occasion de faire réfléchir au titre de la pièce, à la fois ironique (les tribulations, mot qui implique le côté aventureux et comique de cette « épopée intime » et le calembour autour du complément du nom « étrangère d’origine ».
Le parallèle peut être effectué avec le titre original de la publication de l’autobiographie de l’auteur : Mémoire pleine, métaphore empruntée à l’informatique, et ironique de surcroît.


A l’appui de la vidéo on travaille sur la première partie du texte de l’adaptation, de la première phrase jusqu’à la réplique « Je parle bulgare ».
On fait rechercher la situation d’énonciation, on demande l’interprétation des « blancs » qui structurent le discours pour poser la question de la temporalité, puis celle de la situation d’énonciation :
Qui parle ? A qui ? Quand ? Où ? De quoi ?


Pistes pour une lecture analytique


  • Implication du « je » et du « nous » et les indices de subjectivité, le présent de l’énonciation
  • le mélange du français et du bulgare dans l’apprentissage de la langue
  • les jeux sur les sonorités à consonance étrangère
  • les jeux sur la mémoire affective (les mots bulgares, les pleurs, les terreurs et les joies enfantines au cours de cette découverte sensorielle, etc.)
  • tous les indices se rapportant à la découverte par l’enfant de l’altérité et leurs rituels
  • son rapport à la Bulgarie par la réception des colis : l’alimentation, les odeurs, les objets, etc.
  • l’humour décalé de l’adulte à l’évocation de ses premiers souvenirs
  • la comédie que se joue l’enfant au milieu des adultes

Exercice de mise en jeu en classe entière


On dispose les élèves en cercle dans la salle et chacun s’attribue une phrase du début du monologue. On demande à chaque joueur de trouver un état pour prononcer sa réplique sans autre intention que de faire entendre le texte choral d’Elizabeth Mazev. A la fin de l’exercice on recueille les impressions et les commentaires des élèves pour évaluer l’efficacité de l’essai.


En vue de la prochaine séance : les élèves recherchent sur Wikipedia où se trouve la Bulgarie, établissent une petite fiche géopolitique avec quelques impressions sur le mode de vie de ses habitants.


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Séance 2 : La prise de conscience de l’altérité


a - On amène peu à peu les élèves à réfléchir à l’identité de l’enfant par la prise de conscience de son altérité, c’est-à-dire de son origine étrangère, de n’être pas une Française comme les autres. Dans le texte de l’adaptation, première partie, on recense toutes les étapes par lesquelles passe la fillette pour valider cette évolution par rapport à ses origines : son statut d’étrangère, la petite communauté bulgare installée en France, la visite des « ancêtres », la nouvelle villa Rodopi, le prénom de sa mère, les photographies des cousines restées là-bas, les allusions à l’Union soviétique, la prise de conscience du statut de réfugiés politiques de ses parents, le « yaourt bulgare », les lettres cyrilliques, la chanson bulgare que la fillette interprète au spectacle de fin d’année à l’école, les vacances en voiture « autour de la Bulgarie »…


b – La séance peut être accompagnée d’une présentation au vidéoprojecteur d’images sur les villages bulgares, leurs habitants pour montrer aux élèves la découverte progressive par l’enfant de ses origines à la fois sociales et identitaires.
En regardant des extraits vidéos on s’interroge sur le costume que porte la comédienne pour donner à son personnage une petite note folklorique qu’on analysera selon les images recensées par les élèves. On trouvera en annexe quelques photos traditionnelles qui ont inspiré la comédienne pour choisir son costume, avec l’idée d’accentuer un cliché.


Exercice de mise en jeu en classe entière


En séance d’AP, après avoir fait écrire la fable de la narratrice en la limitant aux points essentiels, on demande aux élèves d’interpréter à deux ou à trois son histoire comme s’il s’agissait d’une bande-annonce d’un film. Chacun joue un moment de la vie de la narratrice. L’exercice ne devrait pas dépasser cinq minutes de jeu.


En vue de la prochaine séance : se constituer une courte anthologie de monologues de théâtre.


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Séance 3 : Monologue ou seule en scène ?


On présente les différentes formes du monologue théâtral et ses fonctions à partir d’un corpus de textes courts. (voir document en annexe à la fin de la séquence) selon les critères suivants :


  • Monologue de présentation : le personnage se présente lui-même, parfois physiquement et/ou moralement. Il brosse son propre portrait, dévoile ses sentiments, son état d’esprit comme Georges Dandin, par exemple.
  • Monologue informatif : par ses propos, le personnage informe le spectateur sur la situation, le cadre spatio-temporel, l’intrigue ou la suite possible. Ce type de monologue est caractéristique de la scène d’exposition. Situé à l’intérieur d’une pièce, le monologue informatif renseigne surtout sur une possible suite.
  • Monologue de délibération : il sert à présenter une réflexion personnelle que le personnage mène en son for intérieur, comme Ruy Blas.
  • Monologue de dénonciation : Il vise à dénoncer et à critiquer un état de fait social.
  • Monologue de dérision ou d’autodérision : Figaro et Dandin, en réfléchissant à la situation qu’ils vivent pratique l’autodérision.
  • Monologue de remise en cause du code théâtral et de réflexion sur le théâtre, comme dans Outrage au public de Peter Handke.

On pose ensuite la question du monologue par rapport au spectacle vivant : seul en scène.
Quelle différence peut-on faire entre le monologue classique et le monologue contemporain ?
A quelle catégorie de monologue appartient Les tribulations d’une étrangère d’origine ?
On établit un parallèle entre le mode narratif opéré à partir du texte original, adapté pour le théâtre, et le travail scénique en visionnant quelques extraits de la captation vidéo.
Comment la mise en scène de François Berreur permet-elle une réappropriation de la théâtralité ?
Par quels moyens scéniques ? Par quels effets dramaturgiques ? Par quelle direction de jeu ?


Par rapport au parti pris de l’écriture autobiographique, on se demande comment la littérarité peut faire advenir le personnage seul en scène.
Pour prolonger la séance, on se réfère à d’autres adaptations littéraires qui ont donné lieu à des spectacles « Seul en scène » :
Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline interprété par Fabrice Luchini ou Jean-François Balmer, Excusez-moi pour la poussière (Testament de Dorothy Parker) de Jean-Luc Seigle, interprété par Natalia Dontcheva,
L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, interprété par Eric Challier par exemple.


On choisit le début de la deuxième partie du texte :
« J’ai dix ans  », p. 29 jusqu’à « Vous allez faire la visite des prisons bulgares pendant une petite année…, p.32  ». On demande aux élèves de rechercher dans l’extrait tout ce qui relève d’un récit (indices personnels, temps verbaux, cadre spatio-temporel, action, personnages, descriptions).
On compare l’extrait avec la vidéo pour comprendre comment s’est effectué le passage du texte littéraire au travail de plateau. On peut analyser des photos du spectacle pour axer la séance sur la notion de représentation.


Exercice de mise en jeu en classe entière


On demande aux élèves d’improviser sur un court passage du texte, « j’ai dix ans » pour faire apparaître la fillette jouée par Elizabeth Mazev. On peut utiliser des costumes faciles à trouver que les élèves ont recherchés et apportés en classe. On débat de la pertinence de l’initiative.


En vue d’une prochaine séance : Préparer la lecture analytique de l’extrait suivant, tiré de la deuxième partie : « Mes parents quittent leur pays la mort dans l’âme », p. 36 jusqu’à  « Pleine d’essence de rose », p. 39


Question d’oral :
Comment le rituel des vacances se transforme-t-il pour la narratrice en une prise de conscience de ses origines ?


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Séance 4 : La question de l’origine identitaire


On propose la lecture analytique sur laquelle les élèves ont planché à partir de la question d’oral. On demande comment ils ont réagi à la lecture de l’extrait, comment ils l’ont appréhendé dans sa double dimension : souvenir d’enfance et prise de conscience de la patrie d’origine.
Au fur et à mesure des interventions et des réponses, on amène la classe à se pencher sur la manière dont la narratrice présente au spectateur le souvenir de ses premières vacances en Bulgarie, alors pays « satellite de l’ex-Union soviétique ».


On attire leur attention sur les modalités de la narration et l’alternance des registres :


  • la fillette « restée seule sans ses parents » devient une attraction dans le village, une sorte de curiosité « occidentale » qu’on « trimballe partout », comme en contrepoint aux Rika et Usbek des Lettres persanes
  • l’humour, une certaine forme de légèreté dans la narration, l’emploi du « on » de substitut pour les Bulgares célébrant cette enfant, pur produit de la société de consommation de l’autre côté du rideau de fer
  • emploi comique des références culturelles françaises (la chanson), les jeux de mots liés à l’apprentissage du bulgare avec le quiproquo autour du mot « courrez » et celui autour de l’apprentissage de la relation amoureuse lors du bal sous les tilleuls
  • le rituel des « journées de nettoyage de la ville » présenté comme une activité récréative alors qu’il est une marque du communisme peut-être pas aussi « joyeux » que le voie l’enfant
  • les préparatifs du retour et l’arrivée en France avec son cortège de mauvaises surprises : la  « fatale » prise de poids, les tics de langage appris en Bulgarie et que désapprouvent les parents, enfin la déception lors de l’ouverture de la valise
  • la critique implicite de deux mondes qui s’ignorent et le gouffre économique et culturel entre les deux pays.

Avant la fin de la séance, on visionne un court extrait de la captation pour analyser le jeu de la comédienne, commenter les réactions du public, et vérifier que le comique de la scène n’a pas occulté le fossé culturel que l’enfant révèle malgré elle.


Exercice de mise en jeu en classe entière :
On propose une courte séance théâtrale sur le rituel du retour. Dans le cercle formé dans la classe, chacun improvise à partir d’un détail du retour de l’enfant dans le récit d’Elizabeth Mazev en exagérant les faits rapportés. On compare et commente les passages retenus par les élèves.


En vue de la prochaine séance :
Rechercher sur theatre-contemporain.net.tv l’interview qu’Elizabeth Mazev donne sur son travail à la fois d’auteur et de comédienne (Les difficultés de l’écriture, le contexte, la dimension artistique, l’appropriation du texte…). Faire une synthèse sur les moments déterminants de son rapport à l’écriture pour évoquer son enfance, ses origines et son épanouissement personnel par le théâtre.


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Séance 5 : Le pays d’origine vu à travers le regard de l’enfant puis de l’adulte


L’intérêt de cette séance réside dans la manière dont la narratrice appréhende son passé et se réapproprie le pays de ses ancêtres en l’idéalisant dans un premier temps, puis, à l’aune de l’Histoire, en le jugeant sans concession. L’appartenance à une double culture : celle de ses parents et celle de son éducation en France font d’elle un être déchiré. Mais cette blessure secrète ne transparaît que très rarement car le récit définitivement « joyeux » sert d’écran. Seul le sous-texte permet de la lire à plusieurs endroits.


On insiste avec la classe sur cette évolution du personnage, à la fois sur le plan de la confession littéraire et sur le plan de la construction scénique à l’aide de la captation. Il existe une Bulgarie totalement idéalisée dans le souvenir de l’enfant, liée à la langue des parents, aux mots et expressions dialectales appris par cœur, à l’attente fébrile des colis de là-bas, aux visites et à la petite communauté installée en France où l’on reste entre soi, aux noms et aux histoires racontées en famille, aux sonorités lexicales et aux chansons : l’enfant idéalise un pays, et surtout un nom, qu’elle ne peut aimer qu’à travers l’image qu’en cultivent ses parents.
Ainsi on demande aux élèves de chercher dans les deux premières parties de la pièce toutes les occurrences d’une Bulgarie idéalisée par le truchement des souvenirs enfantins que l’adulte essaie de recenser dans son récit. Alors cette terre lointaine devient pour l’enfant un Eldorado de la mémoire, « un paradis perdu » qu’il faut absolument investir et déréaliser.
Le récit des vacances l’atteste, le lien familial y est renoué et l’enfant devenue adolescente subodore un pays à la bureaucratie pesante sans pouvoir le justifier.
L’anecdote du chef du poste frontière en est un exemple à la fois hilarant et troublant. On fait aussi travailler les élèves sur l’évolution du personnage au fur et à mesure que la narratrice découvre le pays avec ses parents, puis plus tard avec son mari.
La quête de l’identité passe dès lors par le portrait tout en nuances qu’elle ébauche de son propre père : l’exil en France comme réfugié politique, puis le retour désabusé au pays natal, la recherche de la tombe de son père à lui et sa fin tragique après une phrase prémonitoire lâchée au retour des dernières vacances : « Jamais je ne reviendrai ».
Le processus d’identification des racines de la narratrice reprend avec le voyage en compagnie de son mari qui découvre un pays « d’une infinie tristesse » gangrené par la course à l’occidentalisation de sa culture et une mafia locale qui s’en prend agressivement au pouvoir d’achat des touristes.


Enfin, dans les deux dernières parties, on s’attarde sur le regard amer que l’adulte pose sur le pays de ses ancêtres et l’idée qu’elle s’en faisait enfant. Que ce soit en France ou en Bulgarie, une déchirure profonde s’est faite entre les Bulgares soupçonneux et distants qui vivent à Paris et la narratrice revenue de toutes ses illusions : « Je me demande si elle a jamais existé, la Bulgarie dont vous m’avez tant parlé », dit la narratrice à sa mère qui lui répond, « ça prouve qu’on a bien raconté ».


En fin de séance, on visionne un extrait d’un entretien d’Elizabeth Mazev pour mieux comprendre les raisons pour lesquelles elle écrit.



Exercice de mise en jeu en classe entière


On forme un cercle de profération dans la salle de classe pour faire entendre à nouveau le retour du père dans son pays d’origine. On demande aux élèves de dire le texte en variant les registres et les intentions de jeu. On évalue ensuite le résultat obtenu.



Séance 6 : La Bulgarie après la chute du Mur. Lecture analytique


Troisième partie, page 51 , depuis « Olivier arrive à Varna » jusqu’à la page 54 « Le lendemain la course folle reprend ».


On fait d’abord relever par les élèves tous les indices lexicaux et grammaticaux péjoratifs à propos de la découverte du pays par Olivier, le mari de la narratrice, qui visite pour la première fois la Bulgarie : « Varna, ville laide et impersonnelle, aéroport miteux, familles désargentées, la mer Noire sale, toboggan écaillé, tour ignoble, chambre assez minable, prix exorbitant, escroquer, routes mal entretenues, infinie tristesse, etc. »


On insiste sur les points suivants pour articuler la lecture analytique :


  • l’arrivée d’Olivier prend une tournure « homérique », sa surprise, sa déception, son mutisme boudeur, sa sidération
  • le périple parsemé d’embûches touristiques : les hôtels douteux, le trafic des devises, l’ostracisme des Bulgares au profit des Occidentaux aisés
  • les jeux sur le langage et les citations en langue originale, sources de quiproquos
  • l’indignation de la narratrice devant le comportement des compatriotes de ses parents, ses colères, ses crises de larmes
  • la laideur des paysages, les routes défoncées, les éoliennes d’un autre âge
  • la conjugaison des effets comiques avec le constat tragique d’un pays très en retard économiquement
  • l’arrivée chez la grand-mère à Svilengrad et l’humour à propos des lits

Pour compléter la séance, on visionne l’extrait en interrogeant les élèves sur le parti pris de la mise en scène, le jeu d’Elizabeth Mazev pour conférer à son personnage une distance comique afin d’atténuer la violence du constat : la Bulgarie idéalisée par ses parents vire à un séjour cauchemardesque.


On fait lire aux élèves la note d’intention de l’auteur en guise de préface du tapuscrit , qui est aussi la quatrième de couverture de l’édition Mémoire pleine.


Exercice de mise en jeu en classe entière


On propose un exercice rapide sur le texte-image. Après avoir lu et étudié l’extrait, les élèves choisissent un moment particulier auquel ils ont été sensibles pour exécuter devant les autres un tableau. On discute ensuite de l’efficacité de l’exercice.


En vue de la prochaine séance :
On demande aux élèves de préparer une synthèse sur le théâtre dans le théâtre en relevant toutes les références : comment la narratrice se construit au théâtre à travers le rêve de sa mère de devenir actrice ?


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Séance 7 : Un spectacle en forme d’hommage au théâtre


Le cours débute par le visionnage d’une interview d’Elizabeth Mazev à Théâtre Ouvert où elle explique comment sa vocation pour le théâtre est née, non seulement de sa rencontre avec Oliver Py alors qu’ils étaient l’un et l’autre encore enfants dans la même école, mais de l’amour déçu de sa mère pour un acteur de son pays, devenu célèbre, « le Michel Piccoli de là-bas ».


Des premiers pas pour le spectacle scolaire de fin d’année à son retour en Bulgarie pour interpréter sa pièce Les tribulations d’une étrangère d’origine, la narratrice ne cesse tout au long du spectacle de faire référence au théâtre, ainsi qu’elle le confie à Fabienne Darge dans le portrait qui lui est consacré dans le Monde du 16 février 2013 : « Le théâtre est devenu mon troisième pays. » (voir document en annexe).


Avec les élèves on construit le cours autour des nombreuses occurrences du théâtre comme un itinéraire que la narratrice va emprunter jusqu’à sa maturité :


  • Lors de ses premières vacances en Bulgarie, restée seule chez ses cousines, elle devient celle sur qui tous les regards se concentrent : « On m’exhibe, on me promène…on me fait chanter le soir », activité à laquelle elle prend goût et où affleure sa vocation future.
  • La phase de professionnalisation « je fais une école de théâtre » à l’âge de 20 ans et l’écriture de sa première pièce en hommage à son père qu’elle joue et que met en scène Oliver Py.
  • L’installation à Paris où elle devient comédienne professionnelle.
  • A l’âge de 30 ans elle fréquente les théâtres et les acteurs de Sofia : « Ce sont des artistes bulgares que j’ai envie de rencontrer ».
  • Le décalage culturel entre la France et la Bulgarie sur le plan de la création théâtrale : « Ici on ne connaît officiellement Beckett et Ionesco que depuis dix ans ». L’ambiance des représentations bruyantes et sans respect pour les artistes, le Théâtre National, les difficultés pour assister à des répétitions en raison de l’hostilité des comédiens bulgares.
  • La rencontre avec le traducteur de Valère Novarina qui lui confie qu’il n’y a pas d’auteur de théâtre contemporain en Bulgarie
  • La complicité éphémère avec le metteur en scène Sacho Morfov qui lui ouvre les portes du Théâtre national
  • Le coup de fil passé à Stoïtcho Mazgalov, l’ancien fiancé de sa mère, un acteur célèbre, pour prendre rendez-vous, l’échec de la rencontre et la déception (voir le passage dans Mémoire pleine mais supprimé dans le spectacle, p. 67-69)

On reprend en classe tous les éléments relevés dans le texte pour tirer une conclusion sur la place qu’occupe le théâtre dans la vie de la narratrice, comédienne et auteure dramatique à son tour. On s’interroge aussi sur le fait que dans le spectacle l’allusion à Stoïtcho Mazgalov a été supprimée, peut-être en mémoire à son père : « Il aurait été furieux ».


On revient sur la captation vidéo pour montrer que le découpage dramaturgique de l’autobiographie originale sert la temporalité sur le plateau. Les costumes indiquent les changements et les transformations de la narratrice : du costume folklorique à celui de la femme en représentation dans le spectacle qui se joue et qui vient saluer à la fin le public. Le parcours est accompli.


On peut compléter la séance en visionnant l’entretien qu’Elizabeth Mazev donne en Bulgarie lors de la présentation des Tribulations à Varna.


Exercice de mise en jeu en classe entière


En séance d’AP, on choisit un passage de la pièce, par exemple, la nuit mouvementée au poste frontière lors du premier retour et on fait écrire un court dialogue de la scène par les élèves. On essaie ensuite une mise en jeu en classe avec plusieurs groupes. On compare la narration et les dialogues.


En vue de la prochaine séance :
On étudie toutes les facettes du comique et de l’humour dans le spectacle.


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Séance 8 : L’humour et la force du comique


On ouvre la séance en demandant aux élèves pourquoi le parti pris de l’écriture textuelle et scénique repose sur l’humour et le comique.
On insiste sur la nécessaire distance prise par rapport à une histoire familiale douloureuse (l’exil forcé, le déracinement) et l’Histoire tragique, la Bulgarie communiste.
On cherche dans le texte les éléments de commentaire susceptibles de valider le projet de lecture : les registres, les jeux sur le langage, le sens de la formule lapidaire, le comique de situation, le commentaire acerbe ou indirect sur l’évolution de la Bulgarie et les Bulgares.


Les différentes manifestations du comique et de l’humour :

  • le comique de situation au moment de la réception et de l’ouverture des colis au bout d’un mois d’acheminement, du décalage systématique entre le mode de vie français et celui de la Bulgarie que l’auteure s’ingénie à traiter par l’humour, tel que le leitmotiv : « Vous êtes bulgare, comme le yaourt » ou « le satellite le plus fidèle de l’Union soviétique »
  • la visite de l’oncle et de la tante dans « leurs costumes bizarres », « ils sentent la naphtaline, je me dis que ça doit être le parfum de leur pays », le portrait que l’auteure brosse d’eux, puis la visite de la grand-mère, la petite fille passant l’été en Bulgarie, les retrouvailles, les repas, la nourriture, etc.
  • le comique de langage autour du dialecte et de ses équivalents en français, le « chapelet d’injures » que son père lui enseigne
  • la bureaucratie bulgare aussi pesante que kafkaïenne est toujours traitée sur le mode de l’humour et de l’ironie, tel que le récit du « jeune homme maigre à la douane » condamné à aller « faire la visite des prisons bulgares pendant une petite année »
  • toutes les situations que décrit la narratrice à Paris ou en Bulgarie sont souvent relatées avec leur dose d’humour tels « ces hommes en costumes sombres croisés rue Mazarine qui, à ma question « vous êtes touristes », répondent en riant « non, espions ! », ou « Les Bulgares découvrent l’écologie en même temps que la démocratie », à propos de la pollution de la mer Noire ou les devinettes bulgares comme pour conjurer le mauvais souvenir du communisme.

En conclusion, on met l’accent sur théâtralité sous-jacente de l’écriture pour aborder des questions graves sur le mode de la légèreté et de l’humour : une famille déracinée, un père mort inconsolé d’avoir perdu la Bulgarie de son enfance, un pays qui accuse un retard économique et technologique incomparable, des habitants méfiants et suspicieux, la mainmise d’une mafia organisée sur le contrôle d’une nation à peine libérée du joug totalitaire.


C’est aussi l’occasion de visionner à nouveau le travail théâtral et les modes du comique par le jeu : la gestuelle de la comédienne évolue au fur et à mesure que son personnage passe de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte.


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Séance 9 : Entraînement à l’épreuve anticipée de français autour d’un corpus de textes sur l’argumentation.


(voir la page ou télécharger le sujet)

Gilles Scaringi, professeur de lettres et de théâtre

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