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Les Soliloques de Mariette

+ d'infos sur l'adaptation de Anne Danais ,
mise en scène Anne Quesemand

: Note d’intention de mise en scène

Lorsque j’ai entendu la lecture qu’Anne Danais nous a proposée au Théâtre de la Vieille Grille, l’évidence m’a sauté aux yeux : l’adéquation entre le texte et la comédienne est telle que le personnage de Mariette - la “bonne” d’Ariane, la Belle du Seigneur - est là d’emblée, et qu’un spectacle est là aussi, qui ne demande qu’à vivre.
L’essentiel de l’intention de mise en scène est ainsi présent dans la note d’intention de la comédienne. Simplement, au lieu qu’Anne Danais, accoudée à une table, occupe ses mains à tourner les pages, elle tient un chiffon, “brille l’argenterie”, écosse des petits pois, prépare et boit un café, lave ou repasse un linge fin, recoud un ourlet ; et son regard porte non plus sur le livre, mais sur sa tâche, sur les spectateurs. Il s’agit de proposer une “petite forme” adaptable à divers lieux : appartement, cuisine, bibliothèque… ou théâtre, les tâches ménagères de Mariette pouvant s’adapter à cette diversité. La variété de ces tâches aidera aussi à dégager la chronologie des monologues qui, dans le roman, s’étalent sur quelques années : Mariette vieillit.
Comme les autres personnages de Belle du Seigneur, Mariette ressasse et soliloque - elle est même la seule à “théoriser” le monologue intérieur cher à Albert Cohen : Moi j’aime bien discuter quand même je suis seule, ça tient compagnie quand on travaille. Le “reste” du livre - on allait dire du “pavé”, car c’en fut un joli dans la mare littéraire du moment (1968 !) - nous renseigne sur elle, sur des choses qu’elle ne dit pas, mais qu’elle fait, et dessine une silhouette : Mariette lisse ses accroche-coeurs, elle chante, boit beaucoup de café, elle lit un roman d’amour, et nous livre au passage ses réflexions sur la politique, la guerre, la société, même si sa grande affaire reste le suivi des amours d’Ariane… D’autres personnages nous parlent d’elle, et Solal commente son départ :
Bravo, Mariette ! : autant d’indications qu’Albert Cohen nous fournit pour préciser la gestuelle, l’accent, le jeu, pour nourrir la mise en scène.


Décor - accessoires – costumes
Le décor est minimal, devant s’adapter - et parfois emprunter - aux lieux de la représentation : une table de cuisine recouverte d’une toile cirée bleue, une chaise, une desserte, un tabouret ; dans un théâtre équipé, ces éléments -fournis par nous- seront élégants et soignés : nous sommes dans la cuisine d’une demeure de maître, à Genève d’abord, puis dans la villa “nid d’amour” aménagée par l’aristocrate Ariane d’Amble, sur la Côte d’Azur.
Les accessoires en portent la marque : boîte d’argenterie, thermos argentée, linge fin, bouquet de fleurs. L’action se situant dans les années 1930, l’évocation en est donnée par quelques indices : Mariette fait l’argenterie au blanc d’Espagne …
Elle porte une robe et un tablier intemporels, bien coupés, dans les tons gris-bleu ; Mariette est soignée et coquette. Quand elle se laisse aller à esquisser un pas de danse, on voit son jupon blanc.


Musique
Elle est d’abord dans l’écriture-même : comme Proust avec Françoise, Albert Cohen se délecte du langage de la domestique d’une “grande maison” ; non seulement de son vocabulaire, de ses tournures de phrase, mais aussi de son “phrasé”, de son rythme syntaxique, qu’il restitue par l’absence de toute ponctuation : Ah oui alors que j’en ai battu de l’ouvrage depuis avant-hier que je suis de retour comme que jui avais promis à la chameau la saleté d’Antoinette que je viendrais à peine que ma soeur elle aurait dégonflé mais forcément ça a duré plus que jui avais dit vu que jui avais promis début juliette d’après comme que les docteurs avaient dit…
Cette musicalité est bien sûr l’essentiel du travail de la comédienne, et le souci premier de la direction d’acteur.
Mais la musique est aussi présente directement par trois chansons, interprétées a cappella par Mariette, trois chansons que cite A. Cohen qui dit souvent : “comme dit la chanson” : Parlez -moi d’amour, Une étoile d’amour, Le petit grelot de la vie.


Lumières
Elles sont paradoxalement essentielles : alors que dans des appartements ou des bibliothèques elles ne pourront guère intervenir, dans un théâtre c’est à elles que seront confiés les “changements de décor”, d’un décor quasi inexistant et qui ne changera pas : les trois premiers “actes” se passent en effet à Genève, le dernier sur la Côte d’Azur. Elles témoignent aussi du passage du temps : les trois premiers actes s’étendent sur quelques mois, le dernier a lieu, en un seul jour, plusieurs années après. De chaudes et larges au début, s’accordant aussi aux “humeurs” de Mariette, elles deviennent de plus en plus froides et ponctuelles, surtout sur la côte d’Azur - moi j’aime pas ici, c’est triste toute cette eau de la mer en hiver - , rendant compte aussi du fait que Mariette témoigne comiquement d’une passion tragique.

Anne Quesemand

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