L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) et Les Quatre Jumelles (1973) sont les pièces les plus abstraites de l’auteur. Elles ont en commun un décor frigorifique et une action qui se déroule dans une habitation isolée au milieu d’un désert glacé et inhospitalier – la Sibérie pour L’Homosexuel et l’Alaska pour Les Quatre Jumelles. Elles partagent la même ambiance carcérale suffocante qui empêche les personnages de quitter la scène ou du moins les y ramène implacablement.
On y retrouve le thème de l’exil, cher à Copi, porté par des personnages en marge de la société, en marge même de l’espèce humaine. Ce sont des pièces d’affrontements où - contrairement au dicton – qui se ressemble ne s’assemble pas du tout. Elles sont des cauchemars de conflits perpétuellement recommencés où le dominant et le dominé échangent sans cesse leurs rôles.
Huis clos au climat anxiogène et tortionnaire, ces paraboles politiques ont bien évidemment été inspirées des années de dictature de Perón qui hantent tout le théâtre de Copi. Dans les deux pièces, les jeux sur la réversibilité, l’interchangeabilité, la perte d’identité constituent une ligne dramaturgique majeure et jusqu’à devenir plus important que le récit. Les Quatre Jumelles, le récit a complètement disparu au profit d’une succession d’actions, de gestes et de paroles répétées.
Dans ces deux pièces, Copi nous parle de notre rapport conflictuel aux autres et à la réalité. Il met en scène une galerie de personnages marginaux à la sexualité hors-norme, voire déviante. Trente ans après sa mort, il est important de nous questionner à nouveau sur la nature de ces personnages, de les réinterpréter en regard de notre époque. L’imagerie queer et « folle » qui a longtemps accompagnée le théâtre de Copi doit à mon sens être réinventée. La distance qui nous sépare des années 70 nous dispense de faire des revendications homosexuelles un enjeu dramaturgique principal et nous permet d’aborder la question de la différence d’une toute autre manière, plus vaste, plus surprenante.
Émancipé de l’imagerie véhiculée par le personnage de la folle, le spectacle tentera une approche plus universelle des textes de Copi et en dégagera une profondeur poétique inédite, notamment par la création d’un univers esthétique puissant et de personnages très contrastés.

Louis Arene