Dans un même décor, avec les mêmes acteurs, deux courtes pièces renvoient dos à dos les préjugés de tous ceux qui pensent savoir avant d’avoir rien éprouvé, senti ni réfléchi. Chez Marivaux, Le Préjugé vaincu est celui de la différence de condition sociale comme entrave à l’amour. Avec Fake de Marylin Mattei, trois cents ans plus tard, on a toujours des barricades dans la tête. On catégorise, on poste, on affiche, on tague, on like ou pas, on cause. Et finalement, on s’exclut. Mais dire, ce n’est pas penser. Les jeunes amoureux d’aujourd’hui ont-ils plus de lumières qu’hier quand ils se trouvent surpris par le trouble de l’amour ?

Les Préjugés est un parcours croisé de deux écritures. Dans un dispositif scénique pensé comme une véritable boîte à jouer pour se cacher, se surprendre, le spectacle traverse deux époques où les personnages apprennent pareillement ce qu’est l’amour. Empruntant à l’art des italiens des premiers succès de Marivaux, le jeu physique et incarné des acteurs crée une véritable complicité avec le public. Le spectacle s’ouvre sur la commande passée à une jeune auteure, Marylin Mattei, variation contemporaine autour de la trame des amours empêchées. On revient ensuite au texte souche, Le Préjugé vaincu, comédie en un acte de Marivaux qui excelle à nous montrer le trouble et la confusion dans lesquels les jeux de l’amour plongent les personnages. La compagnie Rêve général ! s’engage dans un travail de passeur pour ouvrir le public adolescent à l’expérience théâtrale. Après avoir exploré avec le bouillonnant Roulez jeunesse, créé en 2011, les émois amoureux des premières fois, Marie Normand poursuit sa recherche autour des interrogations de la jeunesse sur la société. Dans ce généreux théâtre d’acteurs, à l’énergie incandescente, tout est mis en œuvre pour s’affranchir des normes et vivre ses désirs. Et c’est peut-être aussi une définition du théâtre…