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Les Habitants

mise en scène Stanislas Nordey

: Nous, les habitants

Ce que l’on rit et pleure sur les cannettes de sodas que l’on shoote ou qu’on écrase sur le ciment piétiné du matin au soir ; ce que l’on s’enfonce après qu’il nous a déposés là, comme le papier d’un sandwich américain ; ce qu’il nous traîne comme des détritus, lui : le vent. Ce qu’on ramasse ce sont les miettes, ce qu’on ramasse ce sont les jeans et les jupes parties avec lui, dans son milieu, dans sa spirale. Ce que l’on marche au petit jour quand les chats sous les voitures dorment et que les lumières de la nuit sont éteintes ; ce que l’on marche dans les rues, ce que l’on cherche dans les rues, entre les voitures et les murs blancs et gris des immeubles ; et les seringues usées et les putains sur nos trottoirs, ici quand c’est l’accalmie, que tout repose tranquillement c’est nos visages que l’on voudrait moins laids. Collectivement. Cohabité. Obligation quotidienne. Responsabilité quotidienne. Obligation de voir - regarder - entendre - remarquer - faire attention - être à leur écoute, eux, vous : les autres. Assumer votre présence, faire avec, assumer notre pitoyable démission. Et la pluie dans les yeux, sur les mains, ça fait respirer l’amertume. Ce que l’on fait : c’est mordre. C’est hurler. Jamais personne ne nous voit. Et on se tue à la tâche, et on bouffe, manger même la chair de soi, seul, se dévorer, seul, se dégueuler, se cracher au visage. Et quand le vent tombe il nous entraîne dans son effondrement. Et on file comme fait le temps ; on file vers le renoncement. La brise nous caresse et laisse sur nos joues la fraîcheur d’une brume légère, et on pleure, les bruits de moteurs éteints : on s’écroule. Crever la nuit oui gute nacht et basta. C’est fini. Basta. C’est une bombe qui nous pète à la gueule, c’est fini, le vent ne nous porte plus, c’est fini, c’est de la dynamite et c’est nos têtes que la bourrasque emporte. Et les langues se mélangent dans nos crânes et ça souffle dans nos visages, ça tourbillonne dans nos ventres, et dans le ventre d’un dernier métro, et dans les veines qui claquent, les dents, les mâchoires, les portes et les fenêtres, les langues et les yeux qui claquent, les sexes et les fesses qui claquent dans les têtes épuisées, et ça cogne comme la monnaie au fond des poches, et jamais on ne peut dormir, quand dehors c’est la guerre et qu’on attend l’alerte, on regarde juste les langues qui se tournent et ça tourne et ça tourne en rond et cela donne la nausée.


Frédéric Mauvignier

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