Deux hommes se retrouvent pour évoquer le suicide d’un troisième. L’enquêteur cherche un coupable, il tourmente, exige, palpe l’intime, touche avec une férocité que sa fonction permet. L’inquiété comme tous, et comme chaque fois dans ces moments-là, évidemment, n’a fait que dormir. Ils sont trois, deux, un seul, nous sommes à côté d’eux, cette nuit-là, quand l’autre se jette de l’appartement 31.

Frédéric Mauvignier

Ce texte met en scène l’impossible procès, l’enquête absurde qui suit le fait divers - un corps gît sur le bitume, démembré, déformé, minuscule comparé aux immeubles qui le contemplent. C’est un dialogue violent, sans concession, sanglant entre deux hommes : l’Enquêteur et l’Inquiété qui s’affrontent autour de morceaux de chair épars.
Au bout de la nuit on ne sait d’ailleurs s’il y a un vainqueur, la seule chose sûre c’est que le silence a été brisé et que plus rien ne pourra être comme avant.

Stanislas Nordey

Lire Les Habitants, c’est se mettre dans le mouvement d’une quête : celle de l’image de notre propre corps mort. C’est entrer dans l’énigme de ce qui est consubstantiel à chacune de nos vies. Son arrêt. Son extinction. Son terme.
De la même manière qu’une image vue (possédée) par nos yeux est une image unique, vue (possédée) par nous et nous seuls, dans la façon que nous avons de la voir, l’image d’obsession qu’est le corps de l’Habitant suicidé et fracassé sur le sol - figure absente et centrale de la pièce - cette image-là, de terreur, unique, cette image de peur primitive et indélébile n’est détenue (vue, possédée) que par un seul des deux protagonistes, l’Inquiété.
L’écriture de Frédéric Mauvignier s’astreint à recomposer l’image impartageable, à la redéployer, à l’accoucher de son indicibilité. Lenteur et violence. Détours. Cruauté.
D’un fond noir et lointain, elle laisse advenir l’image de mort, l’image du mort.
Nuit. PLUIE. Souvenir. Mémoire. Oubli. Vacuité et lourdeur.

Frédéric Leidgens