theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Les Enfants Tanner »

Les Enfants Tanner

mise en scène Hugues De la Salle

: Note d’intention

La voix de Walser, c’est celle d’un effronté, d’un jeune impulsif dont l’insolence ouvre des brèches dans notre réel et notre façon de le considérer. Distance du rêveur, frivolité du joueur, mais aussi lucidité et impatience du démuni : ce regard multiple est une réponse singulière à toutes les formes d’oppression, à la violence du monde, et il me paraît évident et salutaire d’éclairer notre contemporanéité avec le petit lampion allumé par Walser. A travers le désengagement et l’innocence désarmante de ses personnages, Walser raconte avec une force anarchique la difficulté de vivre, la peur exaltante de grandir, le « culot d’avoir vingt ans », la liberté qui nous manque ou nous encombre. Il nous parle des rapports de classes, il interroge la notion de subversion. Walser a écrit ce roman en quelques semaines, quasiment d’un seul jet, sans plan préalable et presque sans rature. Je rêve d’un spectacle qui possèderait cette fulgurante évidence, cette force insolite, et cette troublante impression de reconnaissance.


Me bouleversent, dans l’écriture de Walser, l’exigence intègre et l’art de l’effacement qui viennent répondre de manière frondeuse à la logique de la réussite, à la rigidité des systèmes de pensée établis, à la brutalité des rapports de pouvoir et d’argent, que nous connaissons tous et qui conditionnent cyniquement nos vies et nos relations. Walser, lui, nous dit simplement que la défaite est sublime et que l’humilité peut avoir valeur d’insurrection. Sa position dérange, parce qu’il ne fait pas le choix (pourtant si légitime) de la colère. Ni celui, si actuel, de la réussite comme objectif, de la maturité comme affirmation de soi. Sa révolte est d’une nature beaucoup plus troublante. C’est dans le vagabondage, l’inexpérience, les costumes de subalternes, que Simon trouve l’abri où faire pousser sa liberté. C’est en rasant les murs qu’il grandit, c’est en obéissant qu’il est insolent. Et c’est sur le pas d’une porte que nous le laissons à la fin du roman, réchauffé un instant sur le banc d’un foyer populaire, « couvert de dettes à l’égard du monde », mais tête haute, « débiteur heureux ». « Débiteur heureux » : incroyable profession de foi de Walser qui nous propose de réinterroger nos certitudes de créanciers, radicalité de ces mots qui, au terme de l’histoire (et à la fin du spectacle) nous projettent à nouveau dans le monde, humbles et bouleversés, chargés d’une force neuve.

Hugues De la Salle

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.