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Les Enfants

+ d'infos sur le texte de Edward Bond traduit par Jérôme Hankins
mise en scène Cécile Arthus

: Note de mise en scène

L’idée principale de ce projet est de permettre une réflexion commune et simultanée entre les adolescents-interprètes et les adolescents-spectateurs, sur les thématiques proposées dans la pièce et le rôle que peut tenir le théâtre dans notre monde contemporain. La représentation sera le fruit de ce travail, assumé en tant que telle, hors du cadre conventionnel du théâtre.


Les enfants est une pièce coup de poing, où les situations métaphoriques s’entrechoquent, mêlées à la trivialité d’une réalité sociétale et environnementale que l’on connaît dans notre présent. L’humain et l’inhumain sont face à face et le drame repose sur des situations fondamentales dans lesquelles chacun de nous peut se reconnaître.


La langue et les improvisations


La langue charnue et brutale, sans jamais être vulgaire, est un véritable matériau de jeu. L’écriture va droit au but. Elle crée une tension dramatique, un suspens. Elle évite les pièges du naturalisme et impose aux adolescents d’être les porteurs d’une parole pleine, spécifique et dialectique. Ce n’est pas la psychologie qui est au centre mais les situations de jeu, d’échange et d’adresse. Les improvisations cadrées par le texte permettront de créer avec les adolescents-interprètes des figures singulières, des silhouettes stylisées, distanciées. À partir de leurs propositions seront dégagés des axes, des gestus, des symptômes, qui proposeront aux spectateurs des paysages affectifs et moraux caractéristiques. Ici, c’est la distanciation qui permet l’identification, et c’est l’incarnation des émotions qui permet l’empathie et l’interrogation. Il s’agit donc de bousculer les idées préconçues que peuvent avoir les adolescents sur le théâtre, bousculer leurs propres codes de représentations (esthétiques, cinématographique, photographique, musicaux) en les réinventant sur le plateau, au service de la fiction. Les initier aussi à la force d’un théâtre politique dans son sens le plus citoyen, c’est-à-dire qui concerne le public.


Des ajouts : l’éclairage sur un fait d’actualité


Le prologue est la genèse de cette pièce. Edward Bond raconte dans une interview la chose suivante :


« À côté de chez moi, il y a une école dans un quartier misérable, très délabré (…) Un jour, un des élèves de quatorze ans a eu une dispute avec un autre et a menacé de le tuer. On a probablement tous dit ça. Mais lui avait un couteau, parce que dans la communauté d'où il venait (et dans une communauté la vérité est toujours dans un ghetto) dans cette communauté, pour être humain, il faut porter un couteau (…) Le directeur lui a demandé ce qu'il faisait avec ce couteau, ils se sont disputés et l'élève a poignardé le directeur. Ce qui n'aurait pas dû arriver. Après ça, il a été décidé de fermer l'école et l'élève a été jeté en prison...


J’ai donc écrit une pièce pour eux : Les Enfants. Ils l'ont répétée et représentée. La représentation était merveilleuse. Toutes ces petites crapules, ces petits terroristes ont fait une merveilleuse représentation. Je ne veux pas seulement dire qu'elle était belle ; bien sûr qu'elle l'était, mais le plus étonnant et l'intelligence de ces jeunes gens, leur capacité à lire le visage humain, à comprendre les motivations et les significations. Ils avaient une subtilité incroyable et de la force. Et au lieu de se chamailler, ils se soutenaient mutuellement. En un Parce que ces jeunes gens avaient toujours besoin de théâtre. Leurs psychés vibraient existentiellement, ils avaient toujours désespérément besoin de théâtre. On se serait cru au Théâtre de Dionysos à Athènes. Je suis certain qu'Euripide aurait aimé ça. sens, j'étais exclu –mais c'était très bien » .


Cette histoire, qui ne fait pas partie de la pièce initialement, donne un éclairage supplémentaire et ouvre un champ de questionnement. L’éclairage que porte Bond sur l’action centrale apporte évidemment un autre regard sur ce type d’événement (de la « violence quotidienne ») que le point de vue journalistique et judiciaire. Comme il le souligne : « le droit fait la loi mais pas la justice ». Les enfants sont recherchés par la police, leur cavale agite les émotions d’une opinion en quête de confrontation et de jugement entre le bien et le mal. Les Enfants déroutent ainsi une analyse qui serait trop simpliste, quoique rassurante, sur les faits, la culpabilité et la responsabilité.


Cette échappée peut autoriser l’introduction d’apartés sonores, entre les scènes, qui correspondraient au déchaînement médiatique dans l’actualité. Ces « voix » ajouteraient au récit une dimension : quelles informations nous parviennent, quelle est leur part de réalité et d’aveuglement, et comment faire revivre des faits sociaux dans toute leur complexité ?


L’espace : Pas de renaissance sans destruction ?


Le voyage des enfants, dans la pièce, se passe visiblement au coeur d’une catastrophe nucléaire. Un monde entre deux, un monde détruit et en attente, qui porte les vestiges d’un passé faussement idyllique. Un monde où tout est encore et toujours à reconstruire. Tout, dans l’écriture scénique, participe à créer une atmosphère fantastique et surnaturelle : les sons, les matériaux, les lumières. La scénographie épurée au maximum revient alors à un no man’s land, le terreau d’un conte philosophique pour adolescent. Le plateau se fait page blanche, espace vide, où tout peut se créer, se raconter, se projeter et se jouer dans le temps de la représentation. Les décisions prises à cet égard dépendront des lieux possibles de représentation. La scénographie s’y inventera et s’y adaptera.


Le contexte spatio-temporel reste en suspens, et à déterminer. Je ne suis pas sûre de vouloir ramener, comme le préconise Bond, l’action en Lorraine et dans un temps qui serait le présent. Laisser l’action en Angleterre et dans un futur proche permettrait une certaine étrangeté, un décalage pour observer l’action en tant que telle, sans faire de raccourcis pouvant être dommageables.

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