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Les Diablogues

+ d'infos sur le texte de Roland Dubillard
mise en scène Anne Bourgeois

: Entretien avec Anne Bourgeois

Comment définiriez-vous l’univers de Roland Dubillard dans Les Diablogues ?


Anne Bourgeois : Pour commencer, je dirais que c’est comme un monde parallèle où il n’y a pas de référent psychologique : et pourtant la machine logique de l’écriture est tributaire de l’humain, de la personnalité vulnérable et poétique des personnages, de leur propension à se noyer dans le raisonnement philosophique sans jamais rien affirmer, en gardant l’étonnement, et souvent même, l’émotion. C’est un univers qu’il faut comprendre de l’intérieur. L’expression « théâtre de l’absurde » est née dans les années cinquante, lorsqu’on a vu des écrivains mélanger quotidienneté et arrière-plan existentiel. Ce n’est donc pas surprenant que l’on ait envie de voir dans Les Diablogues des traces de Beckett ou de Ionesco. Chez Dubillard, on a d’abord deux être humains posés sur le plateau qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive : ils n’ont ni destin, ni histoire, ils ne sont pas des héros, ça pourrait être Monsieur Toutlemonde, vous ou moi.


Comment aborde-t-on ce genre de dialogue à la fois très serrés et toujours surprenants dans leur façon de rebondir là où on ne s’y attend pas et leur acharnement à suivre une logique déviante ?


A. B. : Le plus important est de travailler sur l’écoute. Chacun écoute l’autre avec une attention si grande que le problème n’est pas d’avoir raison mais de se sauver de l’abîme du raisonnement. Les personnages se vouvoient ce qui leur donne une certaine élégance mais aussi une certaine rondeur, une ampleur. Et puis, d’un coup, on passe à un phrasé de bistrot. Ça parle comme dans la vie avec des « oui », des « bon », des « hein » ou même des borborygmes. Mais justement l’avantage de travailler ça avec des acteurs comme Jacques Gamblin et François Morel, c’est que pour jouer Dubillard il est indispensable d’avoir des comédiens qui possèdent déjà un univers personnel fort, qui savent utiliser cette angoisse adorable qui consiste à parler sans certitudes. Car on a deux personnages qui sont dans la même obsession : celle de comprendre. La difficulté, c’est qu’ils n’ont pas le même système de compréhension du monde : alors leurs échanges peuvent ressembler à des conflits. Pas des conflits de personnes, bien sûr, des conflits métaphysiques !


Où sont-ils, d’où viennent-il ces deux ratiocineurs ?


A. B. : Il ne faut surtout pas essayer de les situer, ni géographiquement ni dans le temps. Il faut abandonner toute idée de contexte. À mon avis, plus les deux acteurs sont perdus dans un espace où il n’y a qu’eux et le langage, plus on se rapproche de Dubillard. Car ce qui est extraordinaire, c’est la capacité de l’auteur à faire ressortir de cette étrange mécanique de l’inattendu, de la fragilité, quelque chose de touchant, émouvant et bien sûr tellement drôle.

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