Sur le devant de la scène, il y a un tas de livres. Des vieux bouquins, des récents, des belles éditions, des poches à trois balles.

Un tas de livres, ce n’est qu’un tas de livres. Pourtant, à bien regarder, c’est mon ossature. C’est la vôtre. C’est celle de toute civilisation. Je ne pourrais pas vivre sans ces livres. Et notre société ne doit pas croire qu’elle pourrait perdurer sans eux.

Des hommes sont morts pour ces livres. En toute conscience. Ces hommes, eux ne savaient pas lire.
Ils se sont dressés en ce mois de mai 1364 pour que le plus faible de nos rois puisse mettre en place les principaux fondements de la civilisation qui nous porte encore.
Charles V fut le premier roi à ne jamais se battre. Il a affronté l’enfer de la guerre de cent ans avec sa tête. Il a noué, en premier, le lien fondamental entre l’antiquité et notre occident moderne.

Charles V a été le premier politique à rassembler des livres. Il nous a offert la bibliothèque nationale.Pour que cela se puisse, des hommes, des maudits se sont dressés comme un rocher. Ils ont offert leur corps et leur vie comme une grande digue humaine, laissant à Charles V le temps de penser. Ces hommes sont morts. Ces hommes nous ont dressés, ces hommes nous ont élevés.
Bertrand du Guesclin était leur capitaine. Du Guesclin ne savait que frapper et tuer. Il aurait pu passer sa vie à piller pour s’enrichir. Du Guesclin n’a pas choisi cela. Il a choisi Charles V. Charles V ne l’a pas choisi. C’est du Guesclin qui l’a fait. Comme un gueux s’octroyant le droit de s’asseoir à la place des rois.
La violence, la totale abnégation de la vie de ce breton nous ont offert les clefs de la pensée.
L’encre et le sang. Le sang et l’encre.
Cette pièce, les Chiens nous dresseront, est un hommage à ces hommes de guerre et replace la violence dans une problématique bien plus complexe que celle que l’on nous sert, ce tableau à un seul bouton, ce tableau binaire, cet éternel on/off, mal/bien, intellectuel/sauvage.