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Les Bonnes

+ d'infos sur le texte de Jean Genet
mise en scène Jacques Vincey

: À propos de… «Comment jouer Les Bonnes»

Notes de répétition (19 août 2011). Transcription Vanasay Khamphommala

«Comment jouer Les Bonnes » : le texte de la pièce commence par un pseudo mode d’emploi, qui est aussi une question à laquelle Genet retire son point d’interrogation. Tout commence donc par l’injonction paradoxale de la question, l’obligation du questionnement, le rejet de la réponse toute faite.
D’emblée, la pièce se place sous le signe de la contradiction, principe fondamental de l’oeuvre comme de son auteur. « L’unité du récit naîtra d’une harmonie entre les parties très diverses, très diversement jouées. » C’est dans la tendresse qu’apparaît la pourriture, c’est dans l’abjection que s’enracine le sublime, les bonnes sont pures parce qu’elles se masturbent par haine de Madame, etc… Genet se place ainsi dans un équilibre constamment précaire et revendique « l’inquiétude et l’instabilité parce qu’elles sont signe de vie » (entretien avec Bertrand Poirot‐Delpech).
Jouer Les Bonnes, c’est s’engager à placer le fil très haut, jouer avec le vertige d’un pari avec l’impossible : c’est parce que le funambule réalise une action en apparence inimaginable, défie les lois du possible et de la gravité (dans tous les sens du terme) qu’il fascine. Pourquoi se lancer un tel défi ? Pourquoi monter sur le fil ? Comment jouer Les Bonnes impose une question corollaire : Pourquoi jouer Les Bonnes ?
Un début de réponse : parce qu’on ne peut pas faire autrement. Les bonnes ellesmêmes jouent Les Bonnes : le jeu théâtral, la fuite dans l’imaginaire et la fiction sont la seule échappatoire à leur insupportable servitude, elle‐même métaphorique de notre insoutenable condition humaine. Les bonnes, c’est Genet ; les bonnes, c’est nous.
Genet nous renvoie à cette blessure intime qui nous fait défaut en même temps qu’elle nous constitue. Je suis ce qui me manque : cette carence est le lieu paradoxal qui, chez Genet, fonde l’individu (cf. Le Funambule). Il nous enjoint à nous approprier sa pièce pour donner corps et vie aux « monstres » qui affleurent « quand nous nous rêvons ceci ou cela »…
La blessure fut vive lors de la création de la pièce en 1947 : les confidences d’Yvette Étiévant et Monique Mélinand* sont unanimes sur ce point, et c’était en partie sans doute l’intention de Genet (« le but second (était) d’établir un certain malaise dans la salle »). Mais elle a sans doute été pansée depuis : c’est le lot des classiques canonisés… Comment retrouver l’énergie dévastatrice de l’oeuvre ? Comment restituer « la blessure » et la révolte qui la constituent? Comment rester « sur le fil », fragiles, en danger ? Comment se faire peur et faire peur ?
L’enjeu de ce prologue est d’ancrer la représentation dans notre réalité et de la faire résonner avec notre nécessité de jouer ce texte, ici et maintenant. Partir de ce que nous sommes pour nous hisser jusqu’à l’exigence de Genet.

  • À la création de la pièce par Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée à Paris le 19 avril 1947, Yvette

Étiévant jouait Claire, Monique Mélinand, Solange, et Yolande Laffont le rôle de Madame.

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