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Les Bonnes

+ d'infos sur le texte de Jean Genet
mise en scène Jacques Vincey

: La Pièce

Le 2 février 1933, Christine et Léa Papin assassinent sauvagement et sans aucune raison apparente leur maîtresse et sa fille. Une dizaine d’années plus tard, Jean Genet s’inspire de ce fait-divers pour en faire du théâtre. Il fait entrer les Bonnes dans « la famille des réprouvés glorieux qui prennent dans l’imaginaire une revanche sur leur condition de misère » (M. Corvin).


Ces dames – les Bonnes et Madame – déconnent ?*
D’emblée, Claire et Solange jouent à être autre chose que ce qu’elles sont. Elles se projettent dans des fictions qui exacerbent leurs pulsions et donnent consistance à leurs fantasmes. Madame elle-même joue son propre rôle et sa candeur lui permettra d’échapper à son destin de victime désignée. C’est Claire, jouant Madame, qui finira par boire le tilleul dans lequel a été versé le somnifère qui devait libérer définitivement les bonnes de leur servitude.
Le jeu de rôles est affirmé, revendiqué comme un exutoire à un malaise trop profond pour pouvoir s’exprimer sans travestir la vérité. Ce qui se joue cette nuit-là, dans la chambre de Madame, est trop grave pour ne pas devoir passer par le détour du faux, de l’artificiel, de la « déconnade » dont parle Genet. Un jeu de métamorphoses et de reflets qui, comme dans les rêves ou les cauchemars, révèle les facettes les plus obscures et les plus inavouables des êtres.


C’est un conte,c’est à dire une forme de récit allégorique
Genet parle de lui à travers Claire, Solange et Madame. Il apparaît disséminé dans ses personnages, comme Strindberg qui tentait d’exorciser ses démons en les épinglant dans son théâtre. Mademoiselle Julie, que j’ai mis en scène il y a quelques années, présente d’ailleurs beaucoup de similitudes avec Les Bonnes. Dans les deux cas, il s’agit de faits-divers hissés jusqu’à la tragédie : unité de temps, de lieu, d’action… Un concentré virulent des relations entre trois personnages prisonniers de leurs rêves, meurtris par la réalité et dont la seule issue ne peut-être que le suicide de l’un d’entre eux.
Chez Strindberg comme chez Genet, ce rituel païen, cette « danse de mort » témoignent de cette volonté désespérée de s’élever, de s’arracher à la médiocrité du quotidien et aux prisons de la raison pour atteindre au sublime qui n’existe que dans les contes… ou sur une scène de théâtre.


Un conte… Il faut à la fois y croire et refuser d’y croire
Les Bonnes jouent à un jeu dangereux. Elles vont se prendre au jeu, et la farce basculera dans le tragique. La chambre de Madame est une arène : acteurs et spectateurs sont complices d’une mort annoncée, mais la victime ne sera pas celle qu’on attendait…
Genet joue avec les codes du théâtre et avec les repères des spectateurs. Il nous maintient aux lisières du vrai et du faux, du trivial et du merveilleux, du rire et de l’effroi. Pathétiques et grandioses, ses personnages évoquent les grands clowns qui, au sommet de leur art, savent nous faire rire et pleurer dans le même instant. Rien n’est plus éloigné du réel que ces figures outrancières, et pourtant, rien ne nous parle plus intimement de notre humanité la plus secrète.


Sacrées ou non, ces bonnes sont des monstres, comme nous-même quand nous nous rêvons ceci ou cela.
Claire et Solange sont les pantins d’un système qui les emprisonne dans leurs propres rôles, le clown blanc et l’Auguste, condamnés à improviser inlassablement sur un même canevas jusqu’à ce qu’un jour leur numéro dérape et que la mort mette un terme définitif à la mascarade.
Madame est le Monsieur Loyal de ce cirque métaphysique. Celle qui tire les ficelles de l’imaginaire. Une créature hybride et insaisissable qui échappe à toute classification et reste auréolée d’un mystère qui la protège des agressions du réel.


Marilù Marini, Hélène Alexandridis et Myrto Procopiou étaient réunies sur le plateau de Madame de SADE par une intelligence, un instinct et un plaisir du jeu partagés. Trois actrices hors du commun capables d’une démesure jubilatoire. Trois fabuleux monstres de théâtre qui sauront, comme l’exigeait Genet, «endosser des gestes et des accoutrements qui leur permettront de me montrer à moi-même, et de me montrer nu, dans la solitude et son allégresse ».


  • Extraits de «Comment jouer les Bonnes» de Jean Genet

Jacques Vincey

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