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Les Antilopes

+ d'infos sur le texte de Henning Mankell traduit par Gabrielle Rozsaffy
mise en scène Jean-Pierre Vincent

: Présentation

« Le paysage est une illusion d'optique délibérée.
A première vue, la scène ne représente rien d'autre qu'une salle de séjour avec un escalier qui mène à l'étage. Il y a là une porte d'entrée, une fenêtre avec des barreaux et de lourds rideaux.
La pièce semble avoir été meublée par une personne aisée et sans ambition particulière de la classe moyenne.
Cette pièce pourrait se trouver dans une maison de la banlieue résidentielle d'une grande ville suédoise.
Mais cette maison se trouve en Afrique. Le paysage africain, le bush, les plaines en feu ont déjà franchi le seuil de la maison. Le miroir près de la porte reflète la lumière rouge du soleil couchant. Les coassements des grenouilles et les soupirs de l'hippopotame sont à la fois à l'intérieur de la pièce et à l'extérieur, près du lit d'une rivière invisible.
L'Afrique approche. Les termites grouillent, l'herbe à éléphant pousse entre les meubles.
L'espace scénique est une lutte entre éléments inconciliables, entre mensonge et vérité.
Les personnages principaux de cette pièce sont les Noirs.
Mais on ne les voit pas ».


HENNING MANKELL




Un couple vit ici. La quarantaine – à tous les sens du terme… – à la fois épuisée et énervée.
Lui, chef de chantier, travaille « dans l’humanitaire » : un organisme non gouvernemental lui a confié (il y a 11 ans, 14 ans ?..) la tâche d’aménager 500 puits munis de pompes ; 200 ont été forés, trois seulement fonctionnent…
C’est leur dernière soirée en Afrique. Ils attendent leur successeur, un autre Suédois, qui n’arrive pas ; coups de fil à l’aéroport, on n’entend que des bruits d’agitation confuse…
En attendant, c’est l’heure des bilans navrés, des souvenirs blessants, des règlements de compte affolés, entre eux deux, entre eux et cette Afrique qu’ils n’ont pas comprise. Ils sermonnent leurs serviteurs noirs qui entrent et sortent mais restent invisibles : misérables fantasmes.
Le successeur arrive enfin, en mauvais état : victime d’une échauffourée à l’aéroport ? Ou d’un félin qui passait par là ? Mais ce n’est pas grave, apparemment… Le trio ainsi constitué va poursuivre sa dérive burlesque et cauchemardesque : coincés qu’ils sont entre le geste humanitaire qui les a amenés là et la peur agressive d’une Afrique qui leur échappe totalement. Ça va tourner au vinaigre, à la folie à trois, à la violence panique. Mais on finira par aller dormir, et la vie continuera…


JEAN-PIERRE VINCENT




Notes du metteur en scène


L’Afrique comme fantasme.


Mankell est sans pitié pour ces petits blancs d’un nouveau genre, ni « colonialistes », ni exploiteurs, seulement des techniciens loin de chez eux, dans la tourmente planétaire. Mais il ne s’agit pas ici d’une pièce militante, ni d’une démonstration politique argumentée, d’une fable à la Brecht ou à la Bond.
Mankell ne s’inscrit pas dans une histoire de l’écriture théâtrale récente. Il charrie la vie telle qu’elle dérive. Il parle avec sa connaissance in vivo de l’Afrique, de l’étrange vie des blancs en Afrique, avec sa liberté de romancier, et sa vision noire du monde d’aujourd’hui.
Nous sommes loin de l’Afrique, mais elle nous hante. Nous y pensons parfois (l’hécatombe du SIDA, la désertification et la faim, les massacres ethniques…). Nous y envoyons des techniciens charitables, des financements qui alimentent les corruptions. Mais de fait, nous ne faisons rien, et cette culpabilité nous travaille, au fond : c’est elle qui produit ce cauchemar grotesque, chez Mankell.
Ici, pas de « réalisme ». La pièce jaillit à l’aventure comme un fantasme délirant (« une illusion d'optique délibérée », dit-il…), avec la liberté anarchique des enchaînements du rêve (Bunuel), ses flottements absurdes (Bergman), son accumulation de catastrophes (Laurel et Hardy, Woody Allen). Une danse de mort, pour revenir vers Strindberg, ou bien « Les Boulingrin » de Courteline…


Une comédie (noire) onirique.


L’erreur serait de prendre cette histoire – si c’en est une – comme une tranche de vie démonstrative.
Il faut du « réel », certes, sans quoi rien ne touche. Mais l’idée « d’illusion d’optique » est essentielle. Tout ici serait faux, illogique, rêvé. Ces personnages rêvent… Ils ne sont peutêtre même pas du tout en Afrique. Ce sont des blancs qui cauchemardent l’Afrique.
Alors, dans la pièce, tout peut trouver sa juste place : les incohérences bordéliques de comportement, les trous de mémoire, la mystérieuse invisibilité des noirs, les absurdes et continuels changements de costumes, les coq-à-l’âne, les crises violentes suivies de réconciliations rassurantes…


JEAN-PIERRE VINCENT

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