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L'enfant recherché

mise en scène Yvon Lapous

: La pièce

Fait divers


Cela commence comme un fait divers tragique : lors d’une promenade en forêt avec son père, un enfant disparaît. Enlèvement, accident ou meurtre ? Un commissaire de police tente d’élucider l’affaire. Une psychologue est détachée pour assister les jeunes parents, et un couple d’amis se dévoue pour les aider.


Dans une attente nerveuse, tout ce petit monde va vivre plusieurs jours en vase clos. Face au couple en perdition, sur qui pèseront des soupçons de plus en plus lourds, les autres protagonistes occupent la place avec un formidable besoin d’existence. Entre eux va s’établir un jeu chaotique empli de fausses pistes, d’imbroglios tragi-comiques alimentés par une sexualité aux abois, comme si la présence diffuse de la mort exacerbait la force de vie et faisait éclater les barrières habituelles des interdits et des non-dits.



Tragédie et /ou comédie


La force dramaturgique tient dans la confrontation entre deux mondes qui se côtoient mais s’ignorent. D’un côté le cercle de la tragédie où le couple va s’abîmer progressivement emportant avec lui sa part d’ombre et d'effroi ; de l’autre côté le cercle de la comédie, les autres, les vivants empêtrés dans les contingences, frustrations, lâchetés mais aussi désirs et projets et besoin de reconnaissance et de corps.
Le texte de Sörensen brasse le mythe tragique (l’infanticide) avec une réalité sociale contemporaine (divorce, drogue et adolescence, échec professionnel, crise d’identité …). Il y a quelque chose de Pirandellien dans l’écriture de Sörensen. Une machine d’écriture qui entretient le mystère : si tout cela n’était qu’un mauvais rêve ? Derrière le jeu des apparences, des fausses pistes et faux-semblant la vérité se dérobe sans cesse.



Les personnages, premières notes


CHRISTINE ET ANDRE les parents de l’enfant recherché. Amour exclusif, absolu, replié sur lui-même. Lui n’a pas grandi, elle ne voit pas le monde. Elle a mis toute son énergie à sauver André de la noyade. Image de celle qui ne sachant pas nager veut sauver l’autre tombé à l’eau et se noie à son tour. Il a échoué, il a l’impression d’être un larbin alors qu’il se rêvait Prix Nobel. La peur primitive d’avoir du quitté l’enfance, le paradis perdu, pour pénétrer dans la dure réalité du monde adulte. Angoisse existentielle : sommes-nous seulement programmés pour perpétuer l’espèce ? Trop plein d’être. Hyper lucidité parfois. Soudain empêtré dans les contingences, sans projet sinon celui de se cloîtrer devant son ordinateur : arriver à le maîtriser le met en joie momentanément. Il observe les autres comme on observe des animaux complaisants et grossiers. Parfois il paraît sortir de sa torpeur, mais il le fait trop bien, trop fort. C’est encore une posture qui ne dure pas.


Elle le suit, le protège, le réprimande. Elle joue à la maman, à la maîtresse. Pour s’aimer ils répètent des scénarios auxquels ils ne croient plus. Elle brûle en silence pour le sauver. Elle n’existe pas pour elle-même. Elle a réduit le monde à quelques formules qu’elle utilise comme des conjurations pour chasser les peurs et ne pas voir l’innommable, la vérité terrifiante. Il a construit un système pervers dans lequel il entraîne Christine, sa femme. Elle deviendra la grande prêtresse de leur acte ultime. Il cherche le salut dans une sorte de purification, pour échapper à la chute dans l’obscène, le corps. Dualité de l’âme et du corps. L’âme, la part divine, et le corps lieu de la chute après la faute originelle. La rédemption par le sacrifice. L’un des enfants se nomme Abraham.


SOPHIE ET MAGNUS, couple des années 80. Ils ont été des parents sympas, ils ont élevé leurs enfants de façon libérale. Aujourd’hui que ces derniers sont adolescents, sans repères, et confrontés à des problèmes de drogue, ils se sentent trahis et coupables. Sophie est la plus solide, la plus terrienne. Magnus, malgré sa réussite professionnelle, est demeuré un grand enfant sensible. Face aux vicissitudes de la vie (trahison des enfants, le décès de sa mère) il s’enferme dans un narcissisme émotionnel. C’est un couple qui, au bout d’une quinzaine d’années, traverse une crise majeure. Magnus a abandonné son rôle de père. Sophie se bat encore, cherche des solutions pour ses enfants et pour elle-même. Une force protectrice qui peut devenir castratrice. S’ils tâtonnent, gesticulent parfois, ces deux-là sont émouvants car ils sont dans la vie et tentent de s’en sortir.


ALICE la psychologue et EBSEN le policier sont des êtres en marge. Malgré leurs différences, ils sont les représentants de l’ordre social, de la santé du corps social. Par principe, ils s’opposent, mais cette opposition est source de fascination. Ils ont une mission précise à remplir qui les place au-dessus des sentiments. Leur poste d’enquêteur observateur leur donne un pouvoir sur les autres. Malgré leur réserve professionnelle, ils vont se retrouver imbriqués dans les histoires privées. Ils n’en sortiront pas indemnes. Ils agissent comme un révélateur. Ils apportent à la pièce un regard décalé, oblique. Leur fonction leur donne une carapace sérieuse mais friable. Cependant lorsque leurs relations risquent de trop les entamer, ils courent s’y réfugier. Dans leur mauvaise foi, masqués derrière leur phraséologie, ils sont alors risibles.


Et puis il y a les enfants dont on parle mais qu’on ne voit jamais. Ils n’ont pas leur place, ils sont évincés du jeu des adultes. « La petite puce », l'enfant perdu, recherché, jamais nommé, comme s’il n’avait jamais existé. La seule trace : une photo mal cadrée. L’autre, Abraham, l’adolescent fugueur, que ses parents n’ont pas vu grandir tant ils étaient engoncés dans leur propre ego.



L’espace


Le lieu de la représentation (une salle d’exposition du Lieu Unique) induit l’espace de jeu : murs blancs, sol métallique. Impressions conjuguées de dureté (métal) et de légèreté (blanc). Cet espace trop vaste, prolongé au lointain par une porte donnant sur une autre salle, est là pour accentuer les solitudes, clarifier les lignes de force. Quelques lieux d’appui ou de regroupement : une table (grande), un canapé lit (jaune citron), un bloc-cuisine (mobile). Au lointain une cloison translucide : c’est l’endroit secret d’André, son refuge et son poste d’observation. Au centre, humble et majestueux un cheval rouge en carton-pâte.

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