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Le Fou et sa femme ce soir dans "Pancomedia"

mise en scène Jean-Pierre Vincent

: Sur la traduction

Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux collaborent avec Eberhard Spreng régulièrement depuis 1987 pour tous leurs spectacles du domaine allemand.


Eberhard Spreng a été assistant à la mise en scène pour Le Faiseur de Théâtre de Thomas Bernhard, et pour Woyzeck (1993). Ils ont, à trois, retraduit :
- Les fragments intégraux de Woyzeck de Georg Büchner.
- Les deux versions de Homme pour homme de Brecht.
- Et maintenant Le fou et sa femme ce soir dans Pancomedia de Botho Strauss.



Ce travail est déterminant. Nous sommes de ceux qui pensent que la traduction, dans le cas d'une pièce étrangère, fait partie intégrante du travail théâtral. Sans partir de ce travail, comment pénétrer au fond des logiques de langage et de comportement, dans la musique réelle de la langue en question, dans sa liaison avec le sens ?


Toute réalisation théâtrale d'un texte étranger est un voyage (de même, d'ailleurs, que tout montage d'une pièce du passé - voyage dans l'espace ou dans le temps). Si mon cerveau ne voyage pas en Autriche tandis que je travaille Thomas Bernhard, il est clair qu'il me manquera quelque chose d'essentiel. L'universalité potentielle d'un texte se ressource dans son originalité absolue par rapport à moi. Ceci veut dire aussi que, si je monte un texte étranger, c'est à mes compatriotes, certes, que je m'adresse, mais en particulier pour leur indiquer une différence, le lieu de cette différence. Je suis semblable à cet autre, ou alors pourquoi me raconter son histoire ; mais j'en suis différent, d'où l'intérêt de me raconter son histoire. Et comprenant la différence, je m'approche mieux de mon identité.


Ceci vaut aussi pour Molière ou Marivaux… Fouiller dans notre passé, c'est mesurer toute l'universalité qui nous rapproche de ces textes ; c'est aussi mesurer tout ce qui nous en sépare. C'est ainsi qu'il faut traduire Molière ou Marivaux. Il m'arrive d'ailleurs de retaper leurs textes à la machine : meilleur moyen pour les scruter à la loupe, et déjouer les pièges des automatismes culturels.


Traduire Botho Strauss n'est pas, en l'occurrence, une mince affaire… Si l'on n'est pas passé par cette épreuve, on risque fort de se méprendre, de passer tout à fait à coté, voir à contresens, d'une pensée et d'une écriture très personnelle, très reliée à une histoire (de la littérature) allemande, parfois très raffinée et parfois très triviale. On peut bien sûr faire toute confiance à un autre traducteur ; mais, ce faisant, on se prive d'un mode d'approche et de compréhension qui fait absolument partie de la mise en scène comme traduction.

Jean Pierre VINCENT

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