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Le Baiser et la morsure

mise en scène Guillaume Béguin

: Le spectacle en résumé

Le baiser et la morsure est le titre générique d’une série de spectacles. L’Opus 1, une courte performance de 30 minutes[1], commence alors qu’une comédienne, costumée en gorille, entre dans l’enclos d’un zoo et referme la porte derrière elle, sous le regard étonné des spectateurs et des visiteurs du zoo. Le costume, le masque et le jeu de la comédienne sont si réalistes qu’on se surprend à croire à un vrai gorille ; très vite, cependant, l’animal se met à parler, il singe les spectateurs, répétant leurs commentaires, ou se livrant à des considérations anthropomorphiques. Il entame alors un « striptease », et sous sa peau poilue apparaît une frêle jeune fille vêtue de blanc. Au lieu de parler et de marcher sur ses deux jambes, celle-ci recommence à grogner et à évoluer à la façon simienne, jouant avec son masque et ses pattes de gorille comme avec une poupée morte, avant de se jeter contre les grillages de sa cage tel un animal sauvage. Fusion troublante de la « belle » et le de la « bête », déchirée entre ses instincts animaux et sa culture humaine, elle éveille en nous le souvenir lointain de ce temps opaque où, enfant, bébé ou foetus, la parole nous était étrangère, où nous étions déjà nous-mêmes et pourtant pas encore tout à fait quelqu’un. Elle éveille aussi un autre souvenir, beaucoup plus enfoui : celui du temps où l’espèce humaine dans son ensemble ne maîtrisait pas encore le langage articulé, vivait encore dans les arbres, et sentait peu à peu son cerveau se développer au détriment de ses mâchoires…


L’Opus 2 reprend ce même thème, sous la forme d’une création théâtrale originale, écrite collectivement, en « écriture de plateau ». Notre gorille initial est maintenant accompagné de trois acolytes aux identités tout aussi hybrides, un chimpanzé, un orangoutang et un autre gorille, joués par trois interprètes masculins. L’Opus 2 comprend deux parties ; la première reprend et développe le motif de l’Opus 1. On y voit les singes tenter de se forger peu à peu une culture humaine, renonçant – parfois douloureusement – à leurs costumes et à leurs masques, s’évertuant à apprendre et à s’enseigner entre eux les rudiments de la culture humaine : langage, mais aussi comportement, savoir-vivre, vie en communauté. Cette première partie est inspirée de plusieurs expériences scientifiques, menées aux Etats-Unis dans les années 1970, au cours desquelles on élevait un petit singe dans une famille humaine dans l’espoir de voir l’humanité naître en lui, et où l’on enseignait en laboratoire, parfois avec succès, la langue des signes à différents gorilles et bonobos. Les enfants sauvages, ces enfants recueillis et élevés par des animaux, ou traités par des humains comme s’ils étaient des animaux, constituent une autre source d’inspiration des différentes séquences composant cette première partie.


Si la première partie de cet opus 2 évoque les fondements de l’humanité, la seconde cherche à évoquer l’identité de l’homme, dans l’idée d’un dépassement de sa propre construction identitaire, d’un renoncement à une idée figée de sa propre humanité. Les êtres qui peuplent cette seconde partie sont des résidus de singes, ce sont des hommes dont l’humanité est sur le point de vaciller. Difficile en effet d’être un homme, ou de continuer à essayer d’en devenir un, si l’on considère que notre identité humaine est totalement construire de l’extérieur, qu’elle n’est que culturelle ; qu’elle pourrait presque aussi bien se forger à partir d’un ADN simien ; qu’elle pourrait se détruire aussi facilement qu’elle s’est construite.


Formellement, cette seconde partie se veut plus poétique, moins narrative, et plus ouverte aux interprétations de chacun. Des courtes séquences, questionnant le rapport de l’homme à son langage, se succèdent, se superposent, s’enchaînent, se répètent. On y parle beaucoup, on essaye de cerner son identité une dernière fois. Puis, brusquement, on se tait.


Le silence s’installe alors.

Notes

[1] Création en septembre 2012, au zoo de La Chaux-de-Fonds, sous le titre Permettez-moi de vous dire, d’abord, que je connais bien le Bois du Petit Château.

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