: Propos de Nenad Prokitch et Jovan Khristich
recueillis lors de la création en France, 1990
Les acteurs du Théâtre ambulant Chopalovitch n’ont pas la moindre idée du niveau auquel ils exercent la purification de la vie, de l’effet cathartique qu’ils provoquent jusqu’à l’extrême, et montrent une méconnaissance totale et par là même une non-reconnaissance de l’influence qu’ils exercent par leur travail même, dont la caractéristique principale est l’entrelacement de la réalité et du mirage...
La pièce se termine par les mots : Ils n’entendent pas ! Alors que les acteurs partent, les mots de reconnaissance pour l‘influence bienfaisante qu’ils ont accomplie sur le milieu dans lequel ils ont vécu un court moment, ne parviennent pas jusqu’à eux. Même s’ils avaient entendu, ils n’auraient pas compris. Ils n’auraient pas compris qu’ils sont en même temps le miroir, le prophète, et - inévitablement - les victimes de leur temps. Et si par miracle ils avaient entendu, je crois qu’ils auraient réagi comme Hendrik Hofgen qui dit à la fin : Que veulent ces gens de moi ? Je ne suis qu’un acteur !
Je ne peux pas entrer dans cette réalité et y participer seul. Je ne peux y entrer qu’avec tout l’art auquel j’appartiens dit Philippe.
Où est réellement la frontière entre la vie et le théâtre. Est-elle là-bas, où est la rampe ? Et même cette frontière existe-t-elle ?... Et quoi si cette frontière ne peut exister qu’effacée ?... L’un n’est pas coupé de l’autre comme par un sabre ! C’est Philippe qui va porter à son point ultime le rapport complexe qu’entretiennent théâtre et réalité. Peut-être avait-il un double masque. D’abord le masque de l’acteur. Et, en-dessous, le masque du fou ? Et qu’y avait-il sous le masque du fou ?... Il aurait pu être un combattant clandestin. Philippe reste une énigme. Ce qu’on croyait être le masque était le visage ? L’acteur fou... Philippe sacrifié... Philippe sauveur de Sékoula... Philippe un cadavre... Philippe avant tout un acteur... Un acteur qui a un certain point de vue à la fois poétique et éthique sur le théâtre, un projet, une mission en quelque sorte.
Dans ce monde
Où nous transformons
Le mouton en blouson...
L’ours en bonnet et le porc en bottes,
Qui fera si ce n’est toi,
Que le blouson bêle,
Que le bonnet grogne
Et que les bottes mettent bas des porcs ?
Contrairement à la jeune actrice Sophie qui se sert activement du théâtre pour survivre, (même si
elle n’échappe pas à la torture et à l’humiliation) et échapper au Broyeur, Philippe se sert
activement du théâtre pour mourir et échapper définitivement à la réalité. Les mots de théâtre
que Philippe emploient conduisent Sékoula vers la vie, la liberté. Mais à quel prix ?
Philippe et Sophie paient de leur vie et de leur dignité le déguisement et le mensonge qui le
disputent à la validité du réel et du vrai et provoque ainsi une collusion entre masques et visages.
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