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Le Suicidé

+ d'infos sur le texte de Nicolaï Erdman traduit par André Markowicz
mise en scène Jean Bellorini

: Note d'intention

Par Jean Bellorini

  • « C’est une pièce sur les raisons qui nous ont fait rester vivants alors que tout nous poussait au suicide. » (Nadejda Mandelstam)

Écrite en 1928, interdite – avant même d’avoir été jouée – par le pouvoir stalinien en 1932, Le Suicidé est une pièce au comique féroce. Le rythme syncopé de l’écriture, très habile, les ruptures permanentes, la netteté acérée des figures, la critique courageuse du totalitarisme, font de cette œuvre une pièce importante, trop méconnue.


Elle prend la forme d’une course effrénée, d’un ballet convulsif de personnages hauts en couleur, d’une farce grinçante truffée de répliques hilarantes, comme si la seule issue était de fuir gaillardement sa condition de pauvre humain ou de s’étourdir follement avant de sombrer. Quand les repères s’effacent, mieux vaut être pris d’un franc vertige que d’une sourde angoisse. Comment et pourquoi rester vivant quand tout pousse à abandonner la partie ? Le Suicidé est une pièce sur le sens de la vie, sur la nécessité de donner un sens à son existence dans un monde où la réalité fait place au cauchemar. Ou l’inverse. Le rêve prend ici la forme d’une bonne raison de mourir. La réalité rêvée se brise sur le rêve réalisé.


Sémione Sémionovitch, ce pauvre chômeur qui a faim, écrasé par un système dont il saisit les rouages, acculé au suicide pour l’exemple, découvre à l’imminence de sa mort qu’il est bel et bien vivant. Ce qui signifie qu’il comprend, n’ayant plus rien à perdre, qu’il est enfin libre. Un individu au cœur battant défait de la torpeur inquiète des masses. Au-delà de la dimension sociale et politique, c’est alors la dimension humaine et métaphysique qui importe. Comment peut-on perdre le chemin qui mène au bout de nos idéaux ? La vie est un enjeu. La vie est un jeu. Il nous faut la brûler de toutes nos forces, se sentir vivant au-delà de tout.


À chaque rêve d’une nouvelle création, la nécessité s’impose d’être au monde, dans un élan, un espoir, un rire qui conjure l’ombre recouvrant nos vies. C’est la troupe aussi qui emporte la partie ; elle sait, par sa force démultipliée, par sa pluralité, affronter les doutes et les peurs. Ce sont la musique, le chœur, la fraternité du plateau, l’espace poétique et tendrement mensonger des planches qui ouvrent un chemin. Il me semble qu’aujourd’hui, nous avons un besoin impérieux de cette vitalité.


  • Jean Bellorini
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