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Le Sang des rêves

+ d'infos sur l'adaptation de Patricia Allio ,
mise en scène Patricia Allio

: Faire éprouver la catharsis…

Par Patricia Allio

Le désir de mettre en scène s’inscrit pour moi dans un désir de mettre en crise l’état de sédimentation de nos croyances, d’oeuvrer à mettre en mouvement ce qui s’est figé, c’est pourquoi la tâche de mettre en scène « Sang et stupre au lycée » de Kathy Acker s’impose à moi avec la même évidence et la même nécessité que la mise en scène de la lettre de 1954 de Samuel Daiber.
C’est un texte qu’elle a écrit en pleine période punk à New-York, en 1978, qui entretient une relation très forte au masochisme et dans lequel s’expriment au féminin désespoir, révolte, et quête d'absolu. Le texte met en scène, en images, en souffles et rythmes, cette tentative répétée pour échapper au nihilisme mais aussi la jouissance de l’écriture que l’auteur expérimente et donne à expérimenter, en se plaçant « du point de vue de l’orgasme ». Là où l’héroïne, l’adolescente Janey, échoue dans la transfiguration heureuse, n’échappant jamais au désir masochiste ni à la jouissance de l’anéantissement qui l’accompagne, l’auteur narratrice réussit, ouvrant le récit à une dimension cosmogonique et onirique.


Monter « Sang et stupre au lycée », avec toute cette charge contestataire et nihiliste, avec ses fulgurances poétiques inouïes, son humour caustique et extrême, c’est renouer avec la fonction originaire du théâtre : faire éprouver la catharsis, non au sens moraliste de purification des passions comme le XVIIème siècle a eu tendance à le faire, mais bien au sens dionysiaque de purgation. C’est d’ailleurs à cette fonction purgative qu’Aristote s’attachait. Donner à représenter l’horrible, le violent pour que le spectateur se représente un vécu psychique refoulé (croyances, affects, émotions) et puisse jouir de cette sortie hors de soi. Fonction extatique du théâtre qui s’origine dans ce besoin consubstantiel de l’humain d’avoir affaire au désordre pour le maîtriser ensuite. C’est bien sur ce fond d’épreuve du chaos que peut se penser nouvellement l’humanisme, et c’est sans doute la seule façon d’échapper à une vision morale de l’humain qui s’est inscrit sur le déni et la méconnaissance de ce que le vingtième siècle a découvert et théorisé : la pulsion de mort.

Patricia Allio

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