« Le sang des rêves » est la première adaptation à la scène de « Sang et stupre au lycée » de Kathy Acker, traduit en français en 2005. Cet ouvrage patchwork, irrévérencieux, très novateur par sa forme et porteur d’une charge contestataire hors du commun, représente généralement la quintessence de l’audace et de la radicalité dans la littérature. Il narre la vie et les malheurs de Janey et nous plonge dans un univers enfantin à l’inquiétante étrangeté où seule l’écriture assure la rédemption. Tabous sexuels, critique sociale et politique, sont abordés de manière virulente et crue, toujours traversés par un humour noir et un esprit caustique ravageur constituant toute la sève de l’esprit ackérien.

On retrouve l’esprit subversif de Kathy Acker dans le style adopté, déconstructionniste, très voisin des techniques d’écriture du nouveau roman, explorées ensuite dans le cinéma de la Nouvelle Vague. Cette auteur américaine des années 80, pirate de veine punk, pratique la réappropriation et le détournement d’esthétiques préexistantes. Cette piraterie créatrice interroge les frontières instables de la propriété intellectuelle et de la stabilité identitaire.

L’éclatement du pôle fixe de la narration nous ouvre à un chant choral et aux rêveries du monde qui sont d’abord visions.

New-York est la matrice kaléidoscopique et énergétique du « Sang des rêves ». Matrice de l’écriture du livre, Kathy Acker y écrit ce texte sulfureux avant de quitter l’Amérique pour Londres. Matrice du spectacle, Patricia Allio séjourne à New-York dans le cadre d’une Villa Médicis Hors les murs en 2006. Ce temps de recherche outre-atlantique lui permet de collecter des rêves, des sons, et ouvre à des tissages textuels et fictionnels développés lors des premières étapes de travail, « life is but a dream #0 », créée à La Fondation Cartier à Paris et « life is but a dream #1 », créée à La Villette à Paris puis présentée au Festival TransAmériques à Montréal et au International Festival of the Arts à Santarcangelo, en Italie.

Le spectacle « Le sang des rêves » privilégie le point de vue schizophrénique de l’écriture éclatée, la sensation de chambre à échos visionnaires, grâce au mélange des présences scéniques allant de la performance au chant, de l’écriture filmique préconçue à la fictionnalisation de la fiction en temps réel.

« Le sang des rêves », à travers la confrontation de langages artistiques différents, invite le spectateur à un voyage chaotique et onirique à la portée initiatique. Pour un état proche de la catharsis.