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Le Sang des amis

mise en scène Jean Boillot

: Entretien avec Jean-Marie Piemme

Réalisé par Christophe Triau

Quel est le sujet du Sang des amis ?


L'écriture est pour moi une façon d'appréhender ce qui m'entoure, le monde. Face aux sollicitations positives ou négatives du monde, construire quelque chose en réponse, et proposer ce quelque chose au spectateur, lui tendre mes fils tricotés pour qu'il y tricote à son tour son propre fil. La pièce s'inscrit dans une trilogie intitulée "Les moitiés du monde". On peut lire ou voir chaque pièce indépendamment des autres, mais elles traitent d'un thème commun : la guerre civile. Le sang des amis questionne quatre mots qui traversent la guerre civile : aveuglement, absolu, admiration, amitié, et enregistre la façon dont ces mots déplacent les personnages, sont des points de tension pour eux. Située dans la Rome antique, la pièce n’a néanmoins rien d’historique. Elle emprunte un schéma à une histoire connue pour se constituer en métaphore. M’intéresse moins l’examen d’un cas particulier, avec ses causes, ses logiques historiques que la capacité de la guerre civile à revenir, à renaître de ses cendres, d’une façon générale la capacité du « un » à se diviser en « deux ». Et l’accent porte sur la part de tragique que comporte n’importe quelle guerre civile. Le tragique affleure là où il n’y a aucune solution, et c’est précisément cet insoluble qui m’intéresse. Contre un certain optimisme politique, il importe de rappeler que si le destin de l’homme c’est l’homme, il existe aussi une part d’impossible, et la remettre en jeu permet peut-être d’éviter la surévaluation prométhéenne du geste politique.


Comment avez-vous abordé le « matériau » Shakespeare pour le réécrire pour aujourd’hui ?


En prenant appui sur Shakespeare et Plutarque, je ne fais qu'accomplir le geste de reprise qu'on trouve partout dans l'histoire du théâtre. Je pars toujours de l'idée que le spectateur vient au théâtre avec une tête et une sensibilité d'aujourd'hui, avec des savoirs et des attentes d'aujourd'hui. Et si je m'adosse à des textes déjà écrits, j'y introduis des questions d'aujourd'hui. C'est le point de vue du présent qui préside à la réécriture. On fait du théâtre avec ce qu'il y a dans la tête du spectateur. Notre relation au passé est toujours chargée d'anachronismes, et cette bête noire de l'historien (l'anachronisme) est ce qui fait le miel de l'écrivain. Par ailleurs, le pari de raconter une histoire faite de nombreuses situations et de nombreux personnages avec moins de dix acteurs supposait un mode de composition qui travaille le fragment et la discontinuité, ce qui nous sort radicalement du schéma de la construction classique.


Comment s’est passé le dialogue entre votre travail d’écriture et celui de la mise en scène ?


Le dialogue entre Jean Boillot et moi a été permanent. J'ai le sentiment qu'il comprend très bien mon geste d'écriture, il sait que je travaille sur l'hétérogène, sur les niveaux de langue, sur l'épique en général. Par ailleurs, je n’ai pas une conception sacralisante de l’écriture, et suis quelqu'un qui "cherche en faisant". Jean et moi réagissions mutuellement aux propositions l'un de l'autre, moi sans vouloir faire de la mise en scène à la place de Jean et Jean sans vouloir écrire à ma place. Cette liberté dans la contrainte m'est précieuse, elle permet à l'écriture d'explorer des territoires nouveaux.

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