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Le Sang des amis

mise en scène Jean Boillot

: Notes d'intention

Le Sang des amis s’inscrit dans une continuité thématique et formelle de mon travail. En 2005, j’ai monté Coriolan qui racontait l’invention du politique et de la République Romaine. Le Sang des amis raconte la fin de la République, épuisée par quatre guerres civiles successives et l’avènement de l’Empire. La forme épique (le mélange de scènes et de récits) qu’emploie Jean-Marie Piemme prolonge mon travail sur le théâtre-récit où on fait primer le narratif sur le dramatique en racontant une histoire avant de la jouer.


J’aime profondément l’écriture de Jean-Marie Piemme parce qu’il écrit adossé à l’Histoire (l’Histoire politique et l’Histoire du théâtre) en s’adressant au spectateur d’aujourd’hui. Avec Le Sang des amis, il vise les générations (la mienne) qui n’ont pas connu la guerre, prises dans l’illusion qu’elle ne les concerne plus. J’habite un pays pacifié. Je connais la guerre « par contumace », par les témoignages, par les films, par la télévision. Dans un monde médiatique qui vise à estomper les contours du réel, les différences, les divisions qui pourtant nourrissent les ressentiments et font le lit de conflits à venir (en témoignent les conflits des banlieues ou le conflit entre communautés en Belgique), le théâtre de Piemme vient nous rappeler que « toute guerre civile est d’aujourd’hui » : la paix est l’exception et la guerre la règle.


Jean-Marie Piemme converse ici avec Brecht et son théâtre épique, en prenant ses distances. D’un « théâtre politique », érigé par le dramaturge allemand pour changer le monde, lui écrit sur les ruines du XXème siècle (la fin des grands récits, l’essoufflement des idéologies) et fait ici un « théâtre du politique », c'est-à-dire un théâtre qui « montre à sa façon ce que dit le politique mais il dit aussi ce que le politique ne peut pas dire » c'est-à-dire, l’impossible, la contradiction, la pulsion, la tragédie. Jean-Marie raconte des fables. Mais il les raconte par une succession d’éclats qui mêlent récits et saynètes, multipliant les points de vue sur le même objet. Jean-Marie et moi partageons un goût pour un théâtre de la reconstitution : polyphonique et éclaté, mélange de sublime et de trivial.


Jean-Marie Piemme avait écrit déjà pour moi (la Vérité) et notre dialogue avait été très fructueux. Dès que j’ai lu Le Sang des Amis, ce fût l’évidence : je monterai ce texte, pour son sujet, pour sa forme et pour le processus de travail qui allait s’en suivre. J’ai appelé Jean-Marie Piemme et nous avons entamé une conversation que nous souhaitions faire durer jusqu’à la première représentation, faisant évoluer sans cesse le texte dans un rapport étroit avec l’écriture de la mise en scène, au contact de toute l’équipe artistique. En particulier du compositeur et du sonographe qui depuis quelques années sont des collaborateurs fondamentaux dans ma recherche d’un alliage entre écriture dramatique et écriture sonore. C’est encore un point commun avec Jean-Marie : nous aimons un théâtre mélangé qui se confronte avec d’autres arts.

Jean Boillot

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