theatre-contemporain.net artcena.fr


: Note d’intention

Le Revizor est une galerie de monstres sympathiques avec en arrière-plan un propos politique. Une farce fantastique sur l'administration et la corruption.


L’action se situe dans un univers intemporel. « On galoperait pendant trois ans qu’on arriverait pas à une frontière » s’exclame le Gouverneur pour caractériser sa province perdue. C’est un lieu général : de partout, des différents coins de la Russie, on a accumulé ici des erreurs et des abus, les pires canailles qui existent, et qui sont si proches de nous.


Au début du spectacle, une grande fenêtre oblique projette une faible lueur nocturne … Sur un bureau bancal, le gouverneur serre la lettre qu’il a reçue de Pétersbourg. Il a négligé son administration, s’est servi au passage. Il a volé des pruneaux, des pièces de draps, a assommé la ville de taxes absurdes, c’est une crapule bien terrestre et bien seule, assourdie au monde extérieur par son arrivisme, sa paranoïa et sa cupidité.


La province qu’il gouverne est triste et pauvre : les vêtements sont ternes et épurés. Il n’y a de couleurs que par touches éparses. Les habitants rêvent d’ailleurs. L’annonce de l’arrivée du Revizor réveille ce monde en déchéance, lui donne une décharge électrique pour le mettre en mouvement, jusqu’à la frontière du fantastique. Si les deux premiers actes sont assez sombres, la pièce gagne en légèreté et en humour au cours des trois derniers actes, jusqu’à l’éclatant. Les costumes sont de plus en plus colorés et clinquants, les corps plus droits, la diction plus rapide et légère, le piano donne une musique de plus en plus enlevée.


Les personnages sont redoutablement malins, très calculateurs, et sans psychologie. Ils réfléchissent vite. Leurs gestes sont calculés, leurs paroles font partie d’un plan élaboré dans l’urgence du jeu. On assiste à une partie serrée, fiévreuse et dynamique. C’est cela qui fait surgir le rire. Khlestakof et le gouverneur sont des joueurs de haut niveau, tous deux sont maîtres ès filouterie : ils trouvent dans leur confrontation la peur, le danger, mais aussi un vrai plaisir. Il y a de l’énergie, du rythme, de la fièvre, les personnages se battent pour survivre, quitter leur réalité, donner corps à leurs rêves de pouvoir et d’argent.


Notre pianiste, comme dans le cinéma muet, annonce les ambiances, les rythmes, et fait figure de diable, de marionnettiste qui raconte cette histoire de pantins grotesques. Nous irons ainsi du sombre à l’éclatant, du réalisme au fantastique, pour tenter de créer du jeu entre les acteurs, faire décoller l’ambition mesquine des personnages jusqu’à la folie du pouvoir, et parvenir à construire un univers esthétique, sonore et dramatique qui les portent jusqu’au point final et à l’acmé de la pièce.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.