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Le Pays lointain

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Joël Jouanneau

: Traduire le cri par la langue

Le cri existentiel ne se laisse pas facilement approcher par l'écrit. Ainsi, lorsqu'il apprend sa mort prochaine, qu'il sait l'ennemi en lui, le jeune homme qu'est encore Jean-Luc Lagarce trouve refuge dans l'écriture. Face à la petite tragédie qu'est toute existence, il tente alors de traduire au plus près son cri. Par la langue. Et cela va produire, plusieurs mois après, Juste la fin du monde. (…) L'art de tirer sa révérence à la vie est le plus difficile qui soit, surtout si on veut le faire sans aigreur et avec élégance. Et donc, six ans après, l'auteur toujours en sursis qu'est Jean-Luc Lagarce constate qu'il est encore là, mais son sablier se vide désormais, il ressort de son tiroir Juste la fin du monde, cette pièce qui lui fut refusée, et y adjoint de nouveaux personnages et de nombreuses scènes sur ce qui lui a appris la vie depuis, tentant ainsi d'approcher plus près encore l'écriture de son cri, mais il lui faut se rendre finalement à cette évidence : le silence ne s'écrit pas, et après le mot fin, la page reste blanche. Du moins il aura écrit Le Pays lointain, un fleuve théâtral sans équivalent aujourd'hui.


J'ai eu cette chance, une chance, oui je le dis, d'être un ami de Robert Pinget. De lui et de ses textes, j'ai appris que si les occasions de se taire sont nombreuses, elles sont presque toujours perdues, et que si la vie n'est pas toujours drôle, on voudrait néanmoins qu'elle dure tout le temps. De Robert Walser, sur qui j'ai travaillé près de trois ans, je dois d'avoir compris, du moins je le crois, qu'il importe d'être un débiteur heureux face à la vie. Et, après avoir mis en scène à Lausanne J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, de Jean-Luc, puis Juste la fin du monde dans ce même théâtre de Vidy ; après avoir animé un atelier autour du Pays lointain à Théâtre Ouvert, avec le Noyau de comédiens constitué d'élèves de la promotion 2000 du Conservatoire de Paris, je crois devoir à cet auteur, je peux le dire aujourd'hui, que si je ne peux prétendre apprivoiser ce cri sauvage qui m'agite à la simple pensée de ma dernière sortie, du moins il m'est permis, avant le grand silence, d'entendre la petite musique de ma vie.

Joël Jouanneau

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