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Le Pays lointain

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Rodolphe Dana

: Note d'intention de Rodolphe Dana

À l’origine de mon désir pour Lagarce, cette phrase de Proust qui me trotte dans la tête depuis un moment et qui a trouvé dans Le Pays lointain enfin un écho : « … S’il n’y avait pas l’habitude, la vie devrait paraître délicieuse à des êtres qui seraient à chaque heure menacés de mourir- c’est-à-dire à tous les hommes. »


Et Proust, comme Tchekhov, et comme Lagarce, sont des écrivains qui se savent condamnés. D’où leur attachement à la vie et leur absolue nécessité de nous en restituer l’essence. Avant qu’il ne soit trop tard. J’ai toujours pensé que seule la nécessité devait guider un artiste, plus que son intellect et le reste qui dans le cerveau, pense. Cette nécessité existe dans l’écriture de Lagarce, celle de dire, de parler, de toucher, de blesser, de tuer, d’émouvoir et d’aimer. C’est avant tout cet aspect-là qui m’a touché. Peut-être même plus que la beauté de sa langue, son élégante pudeur, sa subtile précision et sa vraie dignité. Et son humour, sans lequel on ne pourrait pas continuer à lire, à vivre.


Et puis des thèmes qui me sont précieux et qui parcourent cette pièce, comme celui de La Famille, celle dont on hérite (les parents, les frères et sœurs...), et celle qu’on se construit (les ami(e)s et les amant(e)s), et qui finissent par tant se ressembler. Tout ce qu’on ne dit pas, ou qu’on n’arrive pas à dire, aux gens qu’on aime ou qu’on est censé aimer, comme si l’amour, le vrai et l’imposé, exigeait un autre langage. Et c’est précisément cette autre langue que semble donner Lagarce aux acteurs de cette pièce rêvée qui, à la différence de la vie réelle, vont pouvoir enfin dire ce qu’ils ressentent. Comme si le plus bel acte d’amour qu’on pouvait offrir à quelqu’un, c’était d’enfin oser être vrai, en bien comme en mal, mais vrai. Lui donner ça, à l’autre, sa modeste mais singulière Vérité. Le jouissif dans l’écriture de Lagarce c’est ça, peut-être, que les paroles des hommes et des femmes sont précisément l’écho de leurs pensées et de leurs sentiments.


On parle aussi de la Mort dans cette pièce, donc de la Vie. Le père et l’amant, tous deux morts, évoluent sur scène parmi les vivants, parlent aux vivants. La mort n’a rien de sordide, elle peut être injuste et insupportable, elle est aussi drôle et simple. Dans nos sociétés occidentales, où la maladie et la mort sont redevenues des tabous, il me semble important de donner la parole aux morts, de manière concrète et réaliste. Parce qu’après tout, c’est sans doute le rapport (conscient ou inconscient) qu’on entretient avec la mort qui détermine le rapport qu’on a avec la vie.


Enfin, cette pièce possède une puissante symbolique, qui nous dit l’urgence de vivre, de désirer, de comprendre, de tolérer, de dire et d’aimer, avant qu’il ne soit trop tard.

Rodolphe Dana

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