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Le Pays des aveugles

+ d'infos sur le texte de Nino D'Introna
mise en scène Nino D'Introna

: Extraits

Il s’agissait d’un montagnard de la région de Quito, un homme qui avait vu la mer et fait le tour du monde.
C’était aussi un lecteur de livres, intelligent et entreprenant.
Il avait été engagé par un groupe d’alpinistes anglais débarqués en Equateur pour y faire quelques escalades. Ils avaient déjà grimpé sur plusieurs sommets lorsqu’ils arrivèrent au Parascotopetl, le Cervin des Andes, et c’est là que cet homme disparut du monde…extérieur.



Je fus réveillé par le chant des oiseaux qui montait des arbres lointains, là-bas. Je me suis assis. J’étais sur un promontoire au pied de l’immense précipice le long duquel j’avais débaroulé dans une avalanche de neige.


J’atteignis une pente, raide, boisée et je vis qu’elle se terminait sur des prés verts au milieu desquels j’aperçus un groupe de petites maisons d’une curieuse forme.

« Le type qui a fait ce travail devait être aveugle comme une taupe. »



Aveugle 1 : ça doit être un homme, ou un esprit, sorti des rochers.


Dans ma tête revenait en même temps la ritournelle du proverbe : Au pays des aveugles les borgnes sont rois ! Au Pays des aveugles les borgnes sont rois !


Aveugle 1 : D’où vient-il, frère Pédro ?


Aveugle 2 : De l’autre côté des rochers ?


L’Homme : Mais non ! je viens du sommet des montagnes, du pays là-bas où les hommes sont capables de voir, des environs de Bogota où il y a cent mille habitants. La ville s’étend à perte de vue !


Aveugle 1 : Vue ? Vue ?


Aveugle 2 : Il vient de l’autre côté des rochers.


Aveugle 1 : Viens ici.


L’Homme : Attention ! Vous êtes en train de me mettre le doigt dans l’oeil.


Aveugle 2 : Quel étrange créature, comme ses cheveux sont rudes. On dirait du poil d’un lama.


L’Homme : attention !


Aveugle 1 : Il parle. C’est sûrement un homme.


Aveugle 2 : Uh ! C’est comme ça que vous êtes venu au monde ?


L’Homme : Hors du monde ! En franchissant montagnes et glaciers. Vraiment de là-haut, à mi-course du soleil, du grand monde qui se trouve là-bas à douze jours de voyage de la mer.


Aveugle 1 : Nos ancêtres (aïeux) nous ont enseigné que les hommes peuvent être aussi créés par les forces de la nature, non seulement par la chaleur et l’humidité mais surtout par la putréfaction.


Aveugle 2 : Amenons-le aux Anciens.


Aveugle 1 : Oui, mais avertissons d’abord pour que les enfants n’aient pas peur. C’est un cas exceptionnel.


Aveugle 1 et 2 : Ehi !


Aveugle 1 : Viens !


L’Homme : Merci, mais je suis capable de voir.
Aveugle 1 : Voir ?


L’Homme : Oui, voir, qu’est-ce qu’il y a de si étrange…je l’ai pas vu. Qui a mis ce seau là ?...Et…je n’ai pas vu qu’il y avait un seau, alors je suis tombé…


Aveugle 2 : Ces sens sont encore imparfaits, il trébuche et dit des mots insensés. Conduis-le par la main.


Aveugle 1 : Allez viens, donne-moi la main…


L’Homme : Comme vous voudrez.


Ils semblaient tout ignorer de la vue. Peu importait, du reste, en son temps, je saurais tout leur enseigner. ….

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