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Le Moche

mise en scène Jacques Osinski

: De quoi est fait un être humain ?

Un homme décourageant de laideur se fait refaire le visage, acte désormais presque banal en notre début de XXIe siècle… A un détail prêt : Lette, c’est son nom, ne s’était jamais aperçu de sa laideur. Ce sont les autres qui la nomment. Ce sont les autres, également, qui lui diront sa beauté après l’opération. Ce sont les autres, enfin, qui s’approprient à leur tour ce nouveau visage, diluant Lette et son individualité en une multitude de reflets. Alors toute l’humanité se fond en un seul visage.
De quoi est fait un être humain ? Qu’est-ce qui en nous est humain ? semble se demander inlassablement Marius von Mayenburg au fil de ses pièces. Le Moche a des allures de fable philosophique. C’est aussi un gigantesque éclat de rire, une formidable comédie toute entière contenue dans une langue brillante, alerte. Le Moche est une pièce rapide, une comédie qui, comme toute comédie qui se respecte, a l’élégance de poser des questions profondes sans prétention. Sur fond de capitalisme et de solitude, l’écriture se déroule, les répliques fusent.
L’espace et le temps sont condensés. On passe d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre comme sans y penser.
Cette pièce, je l’ai mise en espace pour les Mardis midi du Théâtre du Rond-Point et pour Entrée Libre au Centre dramatique national des Alpes avant de décider de la monter. Je garde de ce moment le sentiment d’une rencontre et de retrouvailles : rencontre avec un auteur, que je n’hésiterai pas à qualifier de majeur, avec une écriture forte, solide, en laquelle on peut avoir confiance. Retrouvailles avec un comédien, Frédéric Cherboeuf, qui joua avec moi Richard II et Dom Juan, retrouvailles aussi avec l’aspect ludique du théâtre et un plaisir simple, gratuit, celui de jouer. Ce plaisir, je crois qu’il sera à nouveau présent lors de la mise en scène de la pièce. Il s’agira pour moi de retrouver la simplicité qui avait fait le succès de la mise en espace, de garder cette vivacité, cette souplesse du texte sans rien alourdir. Les comédiens seront en permanence présents sur le plateau, endossant les différents rôles sans changer de costumes. La pièce se suffit à elle-même. C’est un rêve de légèreté. Il n’y a rien à ajouter, rien à expliquer. Toutes les réponses semblent superflues.
Dans Le Moche, les événements se déroulent sans que Lette jamais ne se révolte vraiment. Il y a quelque chose de Kafka dans cette aventure, dans ces événements qui s’enchaînent, ces personnages qui changent de visage, à chaque fois ni tout à fait les mêmes ni tout à fait des autres. La pièce est d’ailleurs publiée dans le même recueil aux éditions de L’Arche que Le Chien, la nuit, et le couteau du même Marius von Mayenburg, que je mettrai parallèlement en scène et explicitement placée par l’auteur sous le parrainage de Kafka. On le sait, lorsque Kafka lut pour la première fois La Métamorphose, son auditoire fut pris d’un énorme éclat de rire. Je crois qu’il faut mettre en scène Le Moche comme on doit lire Kafka : sans se poser de question. Le Moche est une comédie, Le Chien, la nuit et le couteau, un cauchemar. Très différentes l’une de l’autre, les deux pièces mettent en scène un individu se cherchant parmi les masques. Au bout du parcours, il y a l’humanité.

Jacques Osinski

janvier 2010

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