Le Complexe de Thénadier existe.
On a pu le rencontrer au cours du siècle dernier, dans l’Europe
occupée, au Rwanda, dans l’ex-Yougoslavie... et chez moi dans la
maison de mon enfance.
José Pliya

Pour Jeanne, Léila, Blanche, Ida, Amssatou, Julie et toutes les autres petites mains d’ici et d’ailleurs.

Le titre considérablement référencé semble tout annoncer. Ainsi José Pliya, jeune professeur de lettres, d’origine béninoise, va-til, à l’ombre tutélaire des Misérables, disserter, digresser, dialoguer autour de la servitude enfantine, voire de l’esclavage, de la possession parentale, nous offrir quelques variations de «Cosette», bref nous prouver avec talent à travers une fable dramatique que Hugo est éternel et ses personnages nos contemporains. Après tout, pourquoi pas ?
Il rejoindrait la cohorte d’auteurs qui s’efforcent chaque année à travers divers ouvrages de nous rappeler que Shakespeare est bien un écrivain de notre temps et que Molière a tout dit d’aujourd’hui…
Fort heureusement il ne s’agit pas de cela. Le titre est trompeur. Hugo est loin et José Pliya lui est là, seul, à nous chanter une histoire qui le traverse en entier. Deux femmes parlent. La mère et Vido. Mais la raison s’essouffle bientôt. De leurs mots s’échappe une musique troublante qui bouleverse nos sens, envoûtant certitudes et croyances. Ahuris, étonnés, nous découvrons que rien n’était dit, ni joué, ni conclu entre la mère et Vido, sa servante de fille adoptée.
La langue est neuve, belle, pulsée, secouée par le rythme des passions. José Pliya, entraîné par ses personnages qui refusent d’être jugés, les accompagne avec tendresse par-delà toute morale. Le Complexe de Thénardier est une œuvre portée par cette grâce qui la protège de tout résumé, de toute analyse, une œuvre solitaire qui dit l’humanité avec magie. L’œuvre d’un poète.

Jean-Michel Ribes